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venu fort à propos pour la fortune de Cicéron et des moyens d’en tirer le meilleur parti possible. À la vérité il appelle encore Terentia sa femme très chérie et très souhaitée, suavissima atque optatissima, mais ces mots n’ont plus l’air que de formules de politesse. Cependant il témoigne un grand désir de la revoir, et il lui demande de venir l’attendre le plus loin qu’elle le pourra[1]. Elle alla jusqu’à Brindes, et, par un hasard favorable, elle entrait dans la ville au moment même où son mari arrivait au port ; ils se réunirent et s’embrassèrent sur le forum. C’était un moment heureux pour Cicéron. Il revenait avec le titre d’imperator et l’espoir du triomphe ; il retrouvait sa famille unie et joyeuse. Malheureusement la guerre civile était près d’éclater. Les partis avaient achevé de rompre pendant son absence ; ils allaient en venir aux mains, et le lendemain de son arrivée, Cicéron était contraint de faire un choix entre eux et de se déclarer.

Cette guerre ne nuisit pas seulement à sa situation politique, elle fut fatale à son bonheur privé. Quand la correspondance reprend ; après Pharsale, elle devient d’une extrême sécheresse. Cicéron retourne en Italie et débarque encore à Brindes, non plus triomphant et heureux, mais vaincu et désespéré. Cette fois il ne souhaite plus de revoir sa femme, quoiqu’il n’ait jamais eu plus besoin d’être consolé. Il l’éloigne de lui, et sans y mettre beaucoup de façons. « Je ne vois pas, si vous venez, lui dit-il, à quoi vous pouvez m’être utile[2]. » Ce qui rendait cette réponse plus cruelle, c’est qu’au même moment, il faisait venir sa fille, et se consolait dans son entretien ; Quant à sa femme, elle n’obtient plus de lui que de billets de quelques lignes, et il a le courage de lui avouer qu’il ne les fait pas plus longs parce qu’il n’a rien à lui

  1. Ad fam., XIV, 5.
  2. Ad fam., XIV, 12.