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nous pouvions même en distinguer la gare. Nous traversons le canal de la Marne au Rhin à l’extrémité orientale du long tunnel de Mauvages ; nous sommes encore à 550 au-dessus de la mer, mais à 150 seulement au-dessus du sol, la hauteur de la flèche de Strasbourg. Nous rasons la forêt de Vaucouleurs, et notre aérostat en épouvante tous les hôtes sauvages : d’énormes rapaces à la large envergure, des aigles et des vautours comme il n’y en a plus que dans ces vieilles et déjà lointaines forêts, partent les premiers ; ils effrayent à leur tour les ramiers, puis les innombrables petits oiseaux qui s’envolent comme une nuée gazouillante fuyant devant les oiseaux de proie qui fuient devant notre ballon.

Notre lest est épuisé (sauf le demi-sac gardé toujours comme en cas pour le moment de la descente), mais Godard soutient notre esquif en vidant goutte à goutte quelques bouteilles d’eau qui nous restaient. La forêt est traversée, Vaucouleurs est à notre droite. L’instant décisif est arrivé. Notre aéronaute est toujours merveilleux d’habileté, il coupe les ficelles qui retiennent l’ancre et les deux guides-ropes, ouvre la soupape et, nous poussant lestement derrière lui, se poste en avant pour recevoir le choc. Godard a pensé à tout, il a choisi un petit plateau rocheux pour la descente afin d’éviter les dégâts.

Nous touchons. Presque rien ; un cahot un peu brusque, voilà tout. De toute part on accourt, mais, malheureusement, personne n’est encore arrivé pour nous prêter main forte ; l’ancre glisse sans mordre… « Ah ! ça devient très-mauvais, dit Godard, nous allons avoir un choc sérieux ! » Madame H… réplique par un éclat de rire, et nous touchons… De magnifiques trèfles que nous écrasons amortissent la secousse et nous en sommes quittes pour un cahot analogue au premier.

Les plus agiles ouvriers de la fonderie de Thusey, voisine de notre point de descente, arrivent et saisissent la nacelle ; c’est fini, nous descendons aussi facilement que de la portière d’un wagon. « — Où sommes-nous ? » « — À Vaucouleurs ! » Nos observations et nos calculs avaient été exacts. Il est trois heures, notre aérostat s’est arrêté sur la rive gauche de la Meuse, en deçà de la route et du chemin de fer, entre les hameaux de Thusey et d’Ugny, à deux kilomètres au nord de Vaucouleurs.

Nous sommes, coïncidence à noter, non loin des propriétés de la famille Flammarion, à 320 de Paris par le chemin de fer.

Notre aérostat a parcouru effectivement 260 en 9 heures un quart, à la vitesse moyenne de 28 à l’heure.

La population accourt, un honorable instituteur d’une commune voisine nous serre la main le premier ; il est tout ruisselant d’eau :