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Nous sommes en route depuis un quart d’heure et déjà nous planons à 900 mètres au-dessus du sol ; nous avons passé entre le Palais-Royal et la place du Château-d’Eau, et nous sortons de Paris par la porte de Bagnolet. Le haut et massif donjon de Vincennes est à peine visible à notre droite comme une petite aiguille de pierre grise… Mais le fort de Rosny, dans la perpendiculaire duquel nous passons, s’étale au contraire sur un énorme espace ; il est grand comme une ville. — Maintenant que le génie de Vauban a rasé presque au niveau de terre les fortifications, les mettant ainsi à l’abri du tir de plein fouet, ce n’est plus qu’en ballon que l’on peut juger de l’importance et de l’étendue d’édifices qui se développent en plan et non en élévation.

Au-dessous de nous se pressent les vergers de Montreuil-aux-Pêches. L’industrie est prospère et les espaliers couvrent au loin la campagne dans la direction de Ville-Évrard, de la Maison-Blanche, d’Avron ; le terrain est partout divisé par des murs contigus et rectangulaires qui le découpent en damier. — La Maison-Blanche, Avron ! C’est ici l’échiquier où nous avons perdu la partie. Il y a deux ans à peine, tous ces champs tremblaient du bruit de la bataille ; maintenant, la paix a repris son empire ; il règne un grand silence, et c’est seulement en prêtant une oreille attentive que l’on peut entendre le chant clair et harmonieusement timbré des alouettes qui montent verticalement dans l’air.

Nous avons traversé le département de la Seine, franchi une zone étroite de celui de Seine-et-Oise et, à 6 h. 25 m., nous entrons, par Chelles, dans le département de Seine-et-Marne. — Alors que la plus vaste construction se réduit pour nous aux dimensions d’un jouet d’enfant, Paris nous apparaît de plus en plus gigantesque ; le troupeau compacte des habitations humaines emplit les vallons, escalade les collines et embrasse la moitié de notre horizon ; toutes les villes qui, par une fiction administrative, son encore séparées de la capitale (Versailles nous oblige à remettre à la mode ce mot démodé) : Courbevoie, Neuilly, Clichy, Vincennes et tant d’autres, se fondent dans cet océan de pierre : Paris.

La Seine et la Marne tordent leurs replis luisants d’un bord à l’autre de l’immense étendue, de Meaux à Charenton et de Fontainebleau à Poissy. Ce n’est pas sans étonnement que nous distinguons clairement tous les détails du fond de la Marne ; avec la lorgnette, un botaniste préciserait presque l’espèce des plantes fluviatiles qui tapissent le lit de la rivière à plus de deux mètres sous l’eau.

De la hauteur modérée à laquelle nous flottons on apprécie encore fort bien les accidents de terrain, en regardant attentivement ; la terre