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que, où ces sortes de libertés peuvent être permises. Voyons donc Horace, qui vivoit sous un empereur, dans les oommencemens d’une monarchie, où il est bien plus dangereux de rire qu’en un autre temps. Qui ne nomme-t-il point dans ses satires ? Et Fabius le grand censeur, et Tigellius le fantasque, et Nasidiénus le ridicule, et Nomentanus le débauché, et tout ce qui vient au bout de sa plume. On me répondra que ce sont des noms supposés. Oh ! la belle réponse ! comme si ceux qu’il attaque n’étoient pas des gens connus d’ailleurs ! comme si l’on ne savoit pas que Fabius étoit un chevalier romain qui avoit composé un livre de droit ; que Tigellius fut en son temps un musicien chéri d’Auguste ; que Nasidiénus Rufus étoit un ridicule célèbre dans Rome ; que "Cassius Nomentanus étoit un des plus fameux débauchés de l’Italie ! Certainement il faut que ceux qui parlent de la sorte n’aient pas fort lu les anciens, et ne soient pas fort instruits des affaires de la cour d’Auguste. Horace ne se contente pas d’appeler les gens par leur nom ; il a si peur qu’on ne les méconnoisse, qu’il a soin de rapporter jusqu’à leur surnom, jusqu’au métier qu’ils faisoient, jusqu’aux charges qu’ils avoient exercées. Voyez, par exemple, comme il parle d’Aufidius Luscus, préteur de Fondi :

Fundos, Aufidio Lusco prætore, libenter
Linquimus, insani ridentes præmia scribæ,
Prætextam, et latum elavum, etc.

« Nous abandonnâmes, dit-il, avec joie le bourg