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CHAPELAIN.

Pour s’instruire d’exemple, en dépit de Linière[1],
Ils liront seulement ma Jeanne tout entière.
Là, dans un long tissu d’amples narrations,
Ils verront comme il faut berner les nations,
Duper d’un grave ton gens de robe et d’armée,
Et sur l’erreur des sots bâtir sa renommée.

LA SERRE.

L’exemple de La Serre a bien plus de pouvoir.
Un auteur dans ton livre apprend mal son devoir .
Et qu’a fait après tout ce grand nombre de pages,
Que ne puisse égaler un de mes cent ouvrages ?
Si tu fus grand flatteur, je le suis aujourd’hui,
Et ce bras de la presse est le plus ferme appui.
Bilaine et de Sercy sans moi seroient des drilles ;
Mon seul nom au Palais nourrit trente familles :
Les marchands fermeraient leurs boutiques sans moi,
Et s’ils ne m’avoient plus, ils n’auroient plus d’emploi.
Chaque heure, chaque instant fait sortir de ma plume
Cahiers dessus cahiers, volume sur volume.
Mon valet écrivant ce que j’aurois dicté,
Feroit un livre entier, marchant à mon côté ;
Et loin de ces durs vers qu’à mon style on préfère.
Il deviendrait auteur en me regardant faire.

CHAPELAIN.

Tu me parles en vain de ce que je connoi ;
Je t’ai vu rimailler et traduire sous moi.
Si j’ai traduit Gusman[2], si j’ai fait sa préface,
Ton galimatias a bien rempli ma place.

  1. Linière avait fait une épigramme contre le poëme de (Jeanne) la Pucelle, par Chapelain.
  2. Chapelain avait traduit de l’espagnol le roman de Gusman d’Alfarache.