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L’oiseau sort en courroux, et, d’un cri menaçant,
Achève d’étonner le barbier frémissant ;
De ses ailes dans l’air secouant la poussière,
Dans la main de Boirude il éteint la lumière.
Les guerriers à ce coup demeurent confondus ;
Ils regagnent la nef, de frayeur éperdus,
Sous leurs corps tremblotants leurs genoux s’affoiblissent ;
D’une subite horreur leurs cheveux se hérissent ;
Et bientôt, au travers des ombres de la nuit,
Le timide escadron se dissipe et s’enfuit[1].
D’Ainsi lorsqu’en un coin, qui leur tient lieu d’asile,
D’écoliers libertins une troupe indocile,
Loin des yeux d’un préfet au travail assidu,
Va tenir quelquefois un brelan défendu ;
Si du veillant Argus la figure effrayante
Dans l’ardeur du plaisir à leurs yeux se présente,
Le jeu cesse à l’instant, l’asile est déserté,
Et tout fuit à grands pas le tyran redouté.
EtLa Discorde qui voit leur honteuse disgrâce,
Dans les airs cependant tonne, éclate, menace,
Et, malgré la frayeur dont leurs cœurs sont glacés,
S’apprête à réunir ses soldats dispersés.
Aussitôt de Sidrac elle emprunte l’image :
Elle ride son front, allonge son visage,
Sur un bâton noueux laisse courber son corps,
Dont la chicane semble animer les ressorts ;

  1. Daunou raconte que le pape Jean XIII tenant un concile à Rome, un hibou s’élança du coin de l’église dès que les pères eurent pris leurs places. L’animal regardait le pape en jetant des cris horribles. Le souverain pontife en fut si déconcerté qu’il s’enfuit, et tout le monde en fit autant. À la seconde séance le hibou reparut, et l’on décampa de même. À la fin les prélats le tuèrent à coups de bâton et de crosse. C’est ce curieux incident qui a donné à Boileau l’idée de ce comique épisode du hibou.