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Loin de moi son courage, entraîné par la gloire,
Ne se plaît qu’à courir de victoire en victoire.
Je me fatiguerois à te tracer le cours
Des outrages cruels qu’il me fait tous les jours.
Je croyois, loin des lieux d’où ce prince m’exile,
Que l’Église du moins m’assuroit un asile :
Mais en vain j’espérois y régner sans effroi ;
Moines, abbés, prieurs, tout s’arme contre moi.
Par mon exil honteux la Trappe est ennoblie,
J’ai vu dans Saint-Denis la réforme établie[1] ;
Le Carme, le Feuillant s’endurcit aux travaux,
Et la règle déjà se remet dans Clairvaux[2].
Citeaux dormoit encore, et la Sainte-Chapelle
Conservoit du vieux temps l’oisiveté fidèle ;
Et voici qu’un lutrin, prêt à tout renverser,
D’un séjour si chéri vient encor me chasser !
Ô toi ! de mon repos compagne aimable et sombre,
À de si noirs forfaits prêteras-tu ton ombre ?
Ah ! Nuit, si tant de fois, dans les bras de l’amour,
Je t’admis aux plaisirs que je cachois au Jour,

    de paix faites par la Hollande, en 1672, et repoussées par le crédit de Louvois.

  1. Abbaye de Saint-Bernard dont Armand Le Bouthillier, abbé de Rancé, venait de réformer la règle.
    Il était le filleul du cardinal de Richelieu ; et reçut les ordres, mais il n’en mena pas moins pendant longtemps la vie d’un homme de plaisir.
    Frappé dans ses affections par la mort de Mme de Montbazon, il se démit de ses bénéfices, sauf l’abbaye de la Trappe et se retira en 1663 dans cette maison où il opéra la réforme radicale qui a fait des Trappistes le plus sévère des ordres monastiques.
  2. Première abbaye fondée par saint Bernard.
    Le cardinal de La Rochefoucauld avait travaillé à remettre en vigueur les règles monastiques dans les abbayes de Clairvaux, de Saint-Denis, de Sainte-Geneviève, etc.