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Au pied des murs sacrés d’une sainte chapelle,
Elle a vu trois guerriers, ennemis de la paix,
Marcher à la faveur de ses voiles épais ;
La Discorde en ces lieux menace de s’accroître ;
Demain avec l’aurore un lutrin va paroître,
Qui doit y soulever un peuple de mutins.
Ainsi le ciel l’écrit au livre des destins.
AiÀ ce triste discours, qu’un long soupir achève,
La Mollesse, en pleurant sur un bras se relève,
Ouvre un œil languissant, et, d’une foible voix,
Laisse tomber ces mots qu’elle interrompt vingt fois :
« Ô Nuit ! que m’as-tu dit ? quel démon sur la terre
Souffle dans tous les cœurs la fatigue et la guerre ?
Hélas ! qu’est devenu ce temps, cet heureux temps,
Où les rois s’honoroient du nom de fainéans,
S’endormoient sur le trône, et, me servant sans honte,
Laissoient leur sceptre aux mains ou d’un maire ou d’un comte ?
Aucun soin n’approchoit de leur paisible cour :
On reposoit la nuit, on dormoit tout le jour.
Seulement au printemps, quand Flore dans les plaines
Faisoit taire des vents les bruyantes haleines,
Quatre bœufs attelés, d’un pas tranquille et lent,
Promenoient dans Paris le monarque indolent.
Ce doux siècle n’est plus. Le ciel impitoyable
A placé sur leur trône un prince infatigable.
Il brave mes douceurs, il est sourd à ma voix ;
Tous les jours il m’éveille au bruit de ses exploits.
Ilien ne peut arrêter sa vigilante audace :
L’été n’a point de feux ; l’hiver n’a point de glace :
J’entends à son seul nom tous mes sujets frémir.
En vain deux fois la paix a voulu l’endormir[1] :

  1. Le traité d’Aix-la-Chapelle, conclu en 1668, et les propositions