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Il faut que trois de nous, sans tumulte et sans bruit,
Partent à la faveur de la naissante nuit,
Et, du lutrin rompu réunissant la masse,
Aillent d’un zèle adroit le remettre en sa place.
Si le chantre demain ose le renverser,
Alors de cent arrêts tu le peux terrasser.
Pour soutenir tes droits, que le ciel autorise,
Abîme tout plutôt ; c’est l’esprit de l’Église :
C’est par là qu’un prélat signale sa vigueur.
Ne borne pas ta gloire à prier dans un chœur :
Ces vertus dans Aleth[1] peuvent être en usage ;
Mais dans Paris plaidons : c’est là notre partage.
Tes bénédictions dans le trouble croissant,
Tu pourras les répandre et par vingt et par cent,
Et, pour braver le chantre en son orgueil extrême,
Les répandre à ses yeux, et le bénir lui-même.
LeCe discours aussitôt frappe tous les esprits ;
Et le prélat charmé l’approuve par des cris.
Il veut que, sur-le-champ, dans la troupe on choisisse
Les trois que Dieu destine à ce pieux office :
Mais chacun prétend part à cet illustre emploi.
« Le sort, dit le prélat, vous servira de loi[2] :
Que l’on tire au billet ceux que l’on doit élire
Il dit : on obéit, on se presse d’écrire.
Aussitôt trente noms, sur le papier tracés,
Sont au fond d’un bonnet par billets entassés.
Pour tirer ces billets avec moins d’artifice,
Guillaume, enfant de chœur, prête sa main novice
Son front nouveau tondu, symbole de candeur,
Rougit, en approchant, d’une honnête pudeur.

  1. Nicolas Pavillon, alors évêque d’Aleth, fut un modèle de vertu évangélique. Il fut cependant soupçonné de jansénisme
  2. Homère, Iliade, livre VII, vers 171.