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Oh ! que de mon esprit triste et mal ordonné,
Ainsi que de ce champ par toi si bien orné,
Ne puis-je faire ôter les ronces, les épines,
Et des défauts sans nombre arracher les racines !
EtMais parle : raisonnons. Quand, du matin au soir,
Chez moi poussant la bêche, ou portant l’arrosoir,
Tu fais d’un sable aride une terre fertile,
Et rends tout mon jardin à tes lois si docile ;
Que dis-tu de m’y voir rêveur, capricieux,
Tantôt baissant le front, tantôt levant les yeux.
De paroles dans l’air par élans envolées
Effrayer les oiseaux perchés dans mes allées ?
Ne soupçonnes-tu point qu’agité du démon,
Ainsi que ce cousin[1] des quatre fils Aimon
Dont tu lis quelquefois la merveilleuse histoire,
Je rumine en marchant quelque endroit du grimoire ?
Mais non : tu te souviens qu’au village on t’a dit
Que ton maître est nommé pour coucher par écrit
Les faits d’un roi plus grand en sagesse, en vaillance,
Que Charlemagne aidé des douze pairs de France.
Tu crois qu’il y travaille, et qu’au long de ce mur
Peut-être en ce moment il prend Mons et Namur.
PeQue penserois-tu donc, si l’on t’alloit apprendre
Que ce grand chroniqueur des gestes d’Alexandre.
Aujourd’hui méditant un projet tout nouveau,
S’agite, se démène, et s’use le cerveau,
Pour te faire à toi-même en rimes insensées
Un bizarre portrait de ses folles pensées ?
« Mon maître, dirois-tu, passe pour un docteur,

    dis que Le Nôtre dessinait les jardins, que Mansard construisait les palais, il plantait les arbres et disposait les fleurs dans les parterres et les plates-bandes.

  1. Ce cousin des quatre fils Aymon est l’enchanteur Maugis, un des héros importants de ce poëme.