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Souffrir tous les affronts au Jonas[1] reprochés.
SoMais quoi ! de ces discours bravant la vaine attaque,
Déjà, comme les vers de Cinna, d'Andromaque,
Vous croyez à grands pas chez la postérité
Courir, marqués au coin de l’immortalité !
Eh bien ! contentez donc l’orgueil qui vous enivre ;
Montrez-vous, j’y consens : mais du moins dans mon livre,
Commencez par vous joindre à mes premiers écrits.
C’est là qu’à la faveur de vos frères chéris,
Peut-être enfin soufferts comme enfans de ma plume,
Vous pourrez vous sauver, épars dans le volume.
Que si mêmes un jour le lecteur gracieux,
Amorcé par mon nom, sur vous tourne les yeux,
Pour m’en récompenser, mes vers, avec usure,
De votre auteur alors faites-lui la peinture :
Et surtout prenez soin d’effacer bien les traits
Dont tant de peintres faux ont flétri mes portraits.
Déposez hardiment qu’au fond cet homme horrible,
Ce censeur qu’ils ont peint si noir et si terrible,
Fut un esprit doux, simple, ami de l’équité,
Qui, cherchant dans ses vers la seule vérité,
Fit sans être malin ses plus grandes malices,
Et qu’enfin sa candeur seule a fait tous ses vices.
Dites que, harcelé par les plus vils rimeurs,
Jamais, blessant leurs vers, il n’effleura leurs moeurs :
Libre dans ses discours, mais pourtant toujours sage,
Assez foible de corps, assez doux de visage ;
Ni petit, ni trop grand, très-peu voluptueux,
Ami de la vertu plutôt que vertueux.
AmQue si quelqu’un, mes vers, alors vous importune
Pour savoir mes parens, ma vie et ma fortune,

  1. Le Jonas est la fameuse épopée biblique de Coras qui revient si souvent sous la plume de Boileau.