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Mais sans t’aller chercher des vertus dans les nues,
Il faudroit peindre en toi des vérités connues ;
Décrire ton esprit ami de la raison,
Ton ardeur pour ton roi, puisée en ta maison ;
À servir ses desseins ta vigilance heureuse ;
Ta probité sincère, utile, officieuse.
Tel, qui hait à se voir peint en de faux portraits,
Sans chagrin voit tracer ses véritables traits.
Condé même, Condé, ce héros formidable[1],
Et, non moins qu’aux Flamands, qu’aux flatteurs redoutable,
Ne s’offenseroit pas si quelque adroit pinceau
Traçoit de ses exploits le fidèle tableau ;
Et, dans Senef[2] en feu contemplant sa peinture,
Ne désavoueroit pas Malherbe ni Voiture.
Mais malheur au poëte insipide, odieux,
Qui viendrait le glacer d’un éloge ennuyeux !
Il auroit beau crier : « Premier prince du monde !
« Courage sans pareil ! lumière sans seconde[3] ! »
Ses vers, jetés d’abord sans tourner le feuillet,
Iroient dans l’antichambre amuser Pacolet[4].

  1. Louis de Bourbon, prince de Condé, mort en 1686.
  2. Combat fameux de M. le Prince.
  3. Commencement du poëme de Charlemagne. (B.)
  4. Louis le Laboureur, ayant présenté au prince de Condé le poëme de Charlemagne, le prince en lut quelques vers et donna le livre à Pacolet, son valet de chambre.