Mais sans t’aller chercher des vertus dans les nues,
Il faudroit peindre en toi des vérités connues ;
Décrire ton esprit ami de la raison,
Ton ardeur pour ton roi, puisée en ta maison ;
À servir ses desseins ta vigilance heureuse ;
Ta probité sincère, utile, officieuse.
Tel, qui hait à se voir peint en de faux portraits,
Sans chagrin voit tracer ses véritables traits.
Condé même, Condé, ce héros formidable[1],
Et, non moins qu’aux Flamands, qu’aux flatteurs redoutable,
Ne s’offenseroit pas si quelque adroit pinceau
Traçoit de ses exploits le fidèle tableau ;
Et, dans Senef[2] en feu contemplant sa peinture,
Ne désavoueroit pas Malherbe ni Voiture.
Mais malheur au poëte insipide, odieux,
Qui viendrait le glacer d’un éloge ennuyeux !
Il auroit beau crier : « Premier prince du monde !
« Courage sans pareil ! lumière sans seconde[3] ! »
Ses vers, jetés d’abord sans tourner le feuillet,
Iroient dans l’antichambre amuser Pacolet[4].
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