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Et qui, jamais en main ne prenant le timon,
Aux exploits de leur temps ne prêtoient que leur nom ;
Que, sans les fatiguer d’une louange vaine,
Aisément les bons mots couleroient de ma veine !
Mais toujours sous ton règne il faut se récrier :
Toujours, les yeux au ciel, il faut remercier.
Sans cesse à t’admirer ma critique forcée
N’a plus en écrivant de maligne pensée,
Et mes chagrins sans fiel et presque évanouis,
Font grâce à tout le siècle en faveur de Louis.
En tous lieux cependant la Pharsale[1] approuvée,
Sans crainte de mes vers, va la tête levée ;
La licence partout règne dans les écrits :
Déjà le mauvais sens, reprenant ses esprits,
Songe à nous redonner des poëmes épiques[2],
S’empare des discours mêmes académiques ;
Perrin a de ses vers obtenu le pardon,
Et la scène françoise est en proie à Pradon.
Et moi, sur ce sujet loin d’exercer ma plume,
J’amasse de tes faits le pénible volume,
Et ma muse, occupée à cet unique emploi,
Ne regarde, n’entend, ne connoit plus que toi[3] !
NeTu le sais bien pourtant, cette ardeur empressée
N’est point en moi l’effet d’une âme intéressée.
Avant que tes bienfaits courussent me chercher,
Mon zèle impatient ne se pouvoit cacher :
Je n’admirois que toi. Le plaisir de le dire
Vint m’apprendre à louer au sein de la satire.
Et, depuis que tes dons sont venus m’accabler,

  1. La Pharsale, de Brébeuf.
  2. Childebraud et Charlemagne, poëmes qui n’ont point réussi.
    — Le premier était de Carel de Sainte-Garde ; le second, de Louis le Laboureur.
  3. Boileau venait d’être nommé historiographe du roi.