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Je dois plus à leur haine, il faut que je l’avoue,
Qu’au foible et vain talent dont la France me loue.
Leur venin, qui sur moi brûle de s’épancher,
Tous les jours en marchant, m’empêche de broncher.
Je songe à chaque trait que ma plume hasarde,
Que d’un œil dangereux leur troupe me regarde.
Je sais sur leurs avis corriger mes erreurs,
Et je mets à profit leurs malignes fureurs.
Sitôt que sur un vice ils pensent me confondre,
C’est en me guérissant que je sais leur répondre :
Et plus en criminel ils pensent m’ériger,
Plus, croissant en vertu, je songe à me venger.
Imite mon exemple ; et lorsqu’une cabale,
Un flot de vains auteurs follement te ravale,
Profite de leur haine et de leur mauvais sens,
Ris du bruit passager de leurs cris impuissans.
Que peut contre tes vers une ignorance vaine ?
Le Parnasse françois, ennobli par ta veine,
Contre tous ces complots saura te maintenir,
Et soulever pour toi l’équitable avenir.
Eh ! qui, voyant un jour la douleur vertueuse
De Phèdre malgré soi perfide, incestueuse,
D’un si noble travail justement étonné,
Ne bénira d’abord le siècle fortuné
Qui, rendu plus fameux par tes illustres veilles,
Vit naître sous ta main ces pompeuses merveilles ?
ViCependant laisse ici gronder quelques censeurs
Qu’aigrissent de tes vers les charmantes douceurs.
Et qu’importe à nos vers que Perrin[1] les admire ;
Que l’auteur du Jonas[2] s’empresse pour les lire ;

  1. Traducteur de lEnéide et auteur du premier opéra qui ait paru en France.
  2. Coras.