Page:Boileau - Œuvres poétiques, édition 1872.djvu/212

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
202
BOILEAU.

Blâmer de tes docteurs la morale risible :
C’est, selon eux, prêcher un calvinisme horrible,
C’est nier qu’ici-bas par l’amour appelé
Dieu pour tous les humains voulut être immolé.
DiPrévenons tout ce bruit : trop tard, dans le naufrage,
Confus on se repent d’avoir bravé l’orage.
Halte-là donc, ma plume. Et toi, sors de ces lieux,
Monstre à qui, par un trait des plus capricieux,
Aujourd’hui terminant ma course satirique,
J’ai prêté dans mes vers une âme allégorique.
Fuis, va chercher ailleurs tes patrons bien-aimés,
Dans ces pays par toi rendus si renommés,
Où l’Orne épand ses eaux, et que la Sarthe arrose[1] ;
Ou, si plus sûrement tu veux gagner ta cause,
Porte-la dans Trévoux[2], à ce beau tribunal
Où de nouveaux Midas un sénat monacal,
Tous les mois, appuyé de ta sœur l’Ignorance,
Pour juger Apollon tient, dit-on, sa séance.

  1. La Normandie et le Maine.
  2. Les jésuites commencèrent en 1701 et continuèrent jusqu’à l’époque de leur destruction un journal littéraire, connu sous le nom de Journal de Trévoux. Boileau était mécontent de ce qu’ils avaient dit de lui dans leur cahier du mois de septembre 1703.