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SATIRE XII.

Veux-je d’un pape illustre[1], armé contre tes crimes,
À tes yeux mettre ici toute la bulle en rimes ;
Exprimer tes détours burlesquement pieux
Pour disculper l’impur, le gourmand, l’envieux ;
Tes subtils faux-fuyans pour sauver la mollesse,
Le larcin, le duel, le luxe, la paresse,
En un mot, faire voir à fond développés
Tous ces dogmes affreux d’anathème frappés,
Que, sans peur débitant tes distinctions folles,
L’erreur encor pourtant maintient dans tes écoles ?
Mais sur ce seul projet soudain puis-je ignorer
À quels nombreux combats il faut me préparer ?
J’entends déjà d’ici tes docteurs frénétiques
Hautement me compter au rang des hérétiques,
M’appeler scélérat, traître, fourbe, imposteur.
Froid plaisant, faux bouffon, vrai calomniateur[2],
De Pascal[3], de Wendrock[4] copiste misérable ;
Et, pour tout dire enfin, janséniste exécrable.
J’aurai beau condamner, en tous sens expliqués,
Les cinq dogmes fameux par ta main fabriqués[5],

    provinciales de Pascal, contre les doctrines alors professées par les fameux jésuites espagnols.

  1. Benoît Odescalchi, Innocent X.
  2. Boileau, dans ces deux vers, transcrit en quelque sorte les premières
    lignes de la douzième Provinciale : « Mes révérends pères, j’étois prêt à vous écrire sur le sujet des injures que vous me dites depuis si Longtemps dans vos écrits, où vous m’appelez impie, bouffon, ignorant, farceur, imposteur, calomniateur, fourbe, hérétique, calviniste déguisé, disciple de Dumoulin, possédé d’une légion de diables, et tout ce qu’il vous plaît. »
  3. Pascal, né à Clermont, en Auvergne, en 1623, mort à Paris en 1662.
  4. Wendrock est le nom que prit Nicole en traduisant en latin les Provinciales, et en joignant des notes tort instructives.
  5. Les cinq propositions qui se trouvent, dit-on, dans un in-folio intitulé Augustinus, composé par Jansénius, évèque d’Ypres.