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Quelque temps après, l’Académie nomma La Fontaine. Le roi n’eut garde de sanctionner cette élection. Le pauvre La Fontaine n’était nullement courtisan ; et ses Contes, il faut l’avouer, ont beau être des chefs-d’œuvre, ils étaient fort de nature à scandaliser une cour dévote. L’Académie, quelque temps après, nomma Boileau. « C’est un bon choix, dit Louis XIV. Tout le monde applaudira. Vous pouvez à présent nommer La Fontaine. »

Boileau, comme du reste Racine et Molière, et tous les meilleurs esprits de ce temps, payait sa dette au roi par une adulation que nous avons aujourd’hui quelque peine à lui pardonner. L’éloge du roi revenait sans cesse sous sa plume, avec des expressions de tendresse et des hyperboles qui finissent par fatiguer. Tant d’éloges, pour un roi qui n’était pas toujours à louer, ne semblent pas dignes d’un critique achevé, d’un ami de la vérité, comme Boileau s’appelait lui-même. Mais il ne faut pas juger les hommes du XVIIe siècle avec nos idées du XIXe. Louer le roi était alors une chose si simple et si naturelle, que personne ne s’en faisait faute, pas même le bonhomme de La Fontaine, que le roi ne pouvait souffrir, et qui, franc, sans souci, et libertin comme il était, aurait dû détester le roi. Louis XIV avait fait beaucoup pour les gens de lettres. Louis XIII ne s’en souciait pas autrement. Un jour, on lui dit que Corneille lui dédiait un ouvrage. « Il n’est pas nécessaire, dit-il. — Mais, ajouta-t-on, il ne demande rien pour cela. — C’est fort bien fait, reprit le roi. Il me