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BOILEAU.

Veut qu’encore une utile et dernière satire,
De ce pas en mon livre exprimant tes noirceurs,
Se vienne, en nombre pair, joindre à ses onze sœurs,
Et je sens que ta vue échauffe mon audace.
Viens, approche voyons, malgré l'âge et sa glace,
Si ma muse aujourd’hui sortant de sa langueur,
Pourra trouver encore un reste de vigueur.
PoMais où tend, dira-t-on, ce projet fantastique ?
Ne vaudroit-il pas mieux dans mes vers, moins caustique,
Répandre de tes jeux le sel divertissant,
Que d’aller contre toi, sur ce ton menaçant,
Pousser jusqu’à l’excès ma critique boutade ?
PoJe ferois mieux, j’entends, d’imiter Benserade.
C’est par lui qu’autrefois, mise en ton plus beau jour,
Tu sus, trompant les yeux du peuple et de la cour,
Leur faire, à la faveur de tes bluettes folles,
Goûter comme bons mots tes quolibets frivoles.
Mais ce n’est plus le temps : le public détrompé
D’un pareil enjouement ne se sent plus frappé.
Tes bons mots, autrefois délices des ruelles,
Approuvés chez les grands, applaudis chez les belles,
Hors de mode aujourd’hui chez nos plus froids badins,
Sont des collets montés et des vertugadins.
Le lecteur ne sait plus admirer dans Voiture
De ton froid jeu de mots l’insipide figure :
C’est à regret qu’on voit cet auteur si charmant,
Et pour mille beaux traits vanté si justement,
Chez toi toujours cherchant quelque finesse aiguë,
Présenter au lecteur sa pensée ambiguë,
Et souvent du faux sens d’un proverbe affecté
Faire de son discours la piquante beauté.
FaMais laissons là le tort qu’à ses brillans ouvrages
Fit le plat agrément de tes vains badinages.
Parlons des maux sans fin que ton sens de travers,