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BOILEAU.

à mes yeux, j’ai poussé ces vers jusqu’à près de trois cent cinquante.

C’est au public maintenant à voir si j’ai bien ou mal réussi. Je n’emploierai point ici, non plus que dans les préfaces de mes autres écrits, mon adresse et ma rhétorique à le prévenir en ma faveur. Tout ce que je lui puis dire, c’est que j’ai travaillé cette pièce avec le même soin que toutes mes autres poésies. Une chose pourtant dont il est bon que les jésuites soient avertis, c’est qu’en attaquant l’équivoque, je n’ai pas pris ce mot dans toute l’étroite rigueur de sa signification grammaticale ; le mot d’équivoque, en ce sens-là, ne voulant dire qu’une ambiguïté de parler ; mais que je l’ai pris, comme le prend ordinairement le commun des hommes, pour toute sorte d’ambiguïté de sens, de pensées, d’expressions, et enfin pour tous ces abus et toutes ces méprises de l’esprit humain qui font qu’il prend souvent une chose pour une autre. Et c’est dans ce sens que j’ai dit que l’idolâtrie avoit pris naissance de l’équivoque ; les hommes, à mon avis, ne pouvant pas s’équivoquer plus lourdement que de prendre des pierres, de l’or et du cuivre pour Dieu. J’ajouterai à cela que la Providence divine, ainsi que je l’établis clairement dans ma satire, n’ayant permis chez eux cet horrible aveuglement qu’en punition de ce que leur premier père avoit prêté l’oreille aux promesses du démon, j’ai pu conclure infailliblement que l’idolâtrie est un fruit, ou, pour mieux dire, un véritable enfant de l’équivoque. Je ne vois donc pas qu’on me puisse