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SATIRE IX.

Faire dire aux échos des sottises champêtres ?
Faudra-t-il de sang-froid, et sans être amoureux,
Pour quelque Iris en l’air faire le langoureux,
Lui prodiguer les noms de Soleil et d’Aurore,
Et, toujours bien mangeant, mourir par métaphore ?
Je laisse aux doucereux ce langage affété,
Où s’endort un esprit de mollesse hébété.
La satire, en leçons, en nouveautés fertile,
Sait seule assaisonner le plaisant et l’utile,
Et, d’un vers qu’elle épure aux rayons du bon sens,
Détromper les esprits des erreurs de leur temps.
Elle seule, bravant l’orgueil et l’injustice,
Va jusque sous le dais faire pâlir le vice ;
Et souvent sans rien craindre, à l’aide d’un bon mot,
Va venger la raison des attentats d’un sot.
C’est ainsi que Lucile[1], appuyé de Lélie[2],
Fit justice en son temps des Cotins d’Italie,
Et qu’Horace, jetant le sel à pleines mains,
Se jouoit aux dépens des Pelletiers romains.
C’est elle qui, m’ouvrant le chemin qu’il faut suivre,
M’inspira dès quinze ans la haine d’un sot livre ;
Et sur ce mont fameux, où j’osai la chercher,
Fortifia mes pas et m’apprit à marcher.
C’est pour elle, en un mot, que j’ai fait vœu d’écrire.
C’Toutefois, s’il le faut, je veux bien m’en dédire,
Et, pour calmer enfin tous ces flots d’ennemis,
Réparer en mes vers les maux qu’ils ont commis
Puisque vous le voulez, je vais changer de style.
Je le déclare donc : Quinault est un Virgile ;
Pradon comme un soleil en nos ans a paru ;
Pelletier écrit mieux qu’Ablancourt[3] ni Patru ;

  1. Poëte latin satirique. (B.)
  2. Consul Romain. (B.)
  3. Nicolas Perrot d’Ablancourt, traducteur fort estimé à cette épo-