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SATIRE IX.

Et qu’ont fait tant d’auteurs, pour remuer leur cendre ?
Que vous ont fait Perrin, Bardin, Pradon, Hainaut[1],
Colletet, Pelletier, Titreville, Quinault,
Dont les noms en cent lieux, placés comme en leurs niches,
Vont de vos vers malins remplir les hémistiches ? »
Ce qu’ils font vous ennuie. Ô le plaisant détour !
Ils ont bien ennuyé le roi, toute la cour,
Sans que le moindre édit ait, pour punir leur crime,
Retranché les auteurs, ou supprimé la rime.
Écrive qui voudra. Chacun à ce métier
Peut perdre impunément de l’encre et du papier.
Un roman, sans blesser les lois ni la coutume,
Peut conduire un héros au dixième volume[2].
De là vient que Paris voit chez lui de tout temps
Les auteurs à grands flots déborder tous les ans ;
Et n’a point de portail où, jusques aux corniches,
Tous les piliers ne soient enveloppés d’affiches.
Vous seul, plus dégoûté, sans pouvoir et sans nom,
Viendrez régler les droits et l’État d’Apollon !
ViMais vous, qui raffinez sur les écrits des autres.
De quel œil pensez-vous qu’on regarde les vôtres ?
Il n’est rien en ce temps à couvert de vos coups,
Mais savez-vous aussi comme on parle de vous ?
MaGardez-vous, dira l’un, de cet esprit critique.
On ne sait bien souvent quelle mouche le pique.
Mais c’est un jeune fou qui se croit tout permis,

  1. Nous avons déjà vu cette énumération dans la satire VII à l’exception de deux nouveaux noms. Tout ce qu’on sait de Bardin c’est qu’il était né à Rouen, qu’il fut de l’Académie et qu’il se noya en 1639. J. Hainault est connu par une imitation en vers des actes II et IV de la Troade de Sénèque ; par une traduction en vers du commencement du poème de Lucrèce ; par le sonnet de l’Avorton, et par un meilleur sonnet contre Colbert.
  2. Les romans de Cyrus, de Clélie et de Pharamond sont chacun de dix volumes. (B.)