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SATIRE V.

1665.

À M. LE MARQUIS DE DANGEAU[1].

SUR LA NOBLESSE.


QuLa noblesse, Dangeau, n’est pas une chimère,
Quand, sous l’étroite loi d’une vertu sévère,
Un homme issu d’un sang fécond en demi-dieux
Suit, comme toi, la trace où marchoient ses aïeux.
SuMais je ne puis souffrir qu’un fat, dont la mollesse
N’a rien pour s’appuyer qu’une vaine noblesse,

  1. Dangeau, auteur de Mémoires sur la cour de Louis XII, était d’une noblesse récente qui comptait fort peu de quartiers. Il avait gagné au jeu une fortune considérable, qu’il employait fastueusement. En résumé c’était un seigneur assez ridicule, mais le meilleur homme du monde, comme dit Saint-Simon, à qui la tête avait tourné d’être seigneur. Cela l’avait chamarré de ridicules, et Mme de Montespan avait fort plaisamment, mais très-véritablement dit de lui : « Qu’on ne pouvait s’empêcher de l’aimer ni de s’en moquer. » Cependant ses Mémoires sont très-curieux par le nombre et l’exactitude des petits faits qu’ils renferment. Il est difficile de comprendre, dit encore Saint-Simon, comment un homme a pu avoir la patience et la persévérance d’écrire un pareil ouvrage si sec, si maigre, si contraint et de la plus repoussante aridité.