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SATIRE IV.

1664.

À M. L’ABBÉ LE VAYER[1],

LES FOLIES HUMAINES


CrD’où vient, cher Le Vayer, que l’homme le moins sage
Croit toujours seul avoir la sagesse en partage,
Et qu’il n’est point de fou qui, par belles raisons,
Ne loge son voisin aux Petites-Maisons ?
NeUn pédant, enivré de sa vaine science,
Tout hérissé de grec, tout bouffi d’arrogance,
Et qui, de mille auteurs retenus mot pour mot,
Dans sa tête entassés, n’a souvent fait qu’un sot,
Croit qu’un livre fait tout, et que, sans Aristote,
La raison ne voit goutte, et le bon sens radote.
LaD’autre part un galant, de qui tout le métier
Est de courir le jour de quartier en quartier,
Et d’aller, à l’abri d’une perruque blonde.
De ses froides douceurs fatiguer tout le monde,
Condamne la science, et, blâmant tout écrit,

  1. L’abbé Le Vayer était un ami de Molière et de Boileau et le fils de Le Vayer, qui a laissé un très-grand nombre d’ouvrages