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La Pucelle est encore un œuvre bien galante,
Et je ne sais pourquoi je bâille en la lisant[1].
Le Pays, sans mentir, est un bouffon plaisant :
Mais je ne trouve rien de beau dans ce Voiture,
Ma foi, le jugement sert bien dans la lecture.
À mon gré, le Corneille est joli quelquefois.
En vérité, pour moi j’aime le beau françois
Et je ne sais pas pourquoi l’on vante l'Alexandre[2],
Ce n’est qu’un glorieux qui ne dit rien de tendre.
Les héros chez Quinault parlent bien autrement,
Et jusqu’à Je vous hais, tout s’y dit tendrement.
On dit qu’on l’a drapé dans certaine satire ;
Qu’un jeune homme. — Ah ! je sais ce que vous voulez dire,
À répondu notre hôte : « Un auteur sans défaut,
« La raison dit Virgile, et la rime Quinault. »
— Justement. À mon gré, la pièce est assez plate
Et puis, blâmer Quinault ! … Avez-vous vu l’Astrate ?
C’est là ce qu’on appelle un ouvrage achevé.
Surtout l’anneau royal me semble bien trouvé.
Son sujet est conduit d’une belle manière ;
Et chaque acte, en sa pièce, est une pièce entière.
Je ne puis plus souffrir ce que les autres font.
Je— Il est vrai que Quinault est un esprit profond,
A repris certain fat qu’à sa mine discrète
Et son maintien jaloux j’ai reconnu poëte ;

  1. Brossette raconte qu’un jour Chapelain lisait son poëme chez M. le Prince, et recevait force compliments des auditeurs. Mais un des admirateurs remarquant la contenance réservée de Mme  de Longueville, lui demanda si elle n’était pas touchée comme tout le monde de la beauté de cet ouvrage, « Sans doute cela est parfaitement beau, répondit-elle, mais bien ennuyeux. »
  2. Alexandre est une des premières tragédies de Racine. On prétend que Boileau avait recueilli ces jugements de la bouche d’un notable de Château-Thierry, où il était sans doute allé voir son ami La Fontaine.