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LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. IV, 239 maines, devrions-nous pour cela tenir pour aveugles ceux qui voient clair ? Le vulgaire ne m’accorderait pas non plus cette autre proposition, quoiqu’elle s’appuie comme les précédentes sur les arguments les plus solides, à savoir que ceux qui font le mal sont plus malheureux que ceux qui en sont victimes. — Je serais curieux, dis-je, de connaître ces arguments. — Nies-tu, reprit-elle, que tout méchant soit digne de châtiment ? — Certainement non. — En outre, tout méchant est malheureux ; à cet égard les preuves abondent. — J’en conviens.-Donc, tu ne doutes pas qu’un homme digne de châtiment ne soit malheureux ? — Sans doute. — Supposons maintenant que tu sièges sur un tribunal ; lequel croirais-tu devoir punir de celui qui a commis le mal ou de celui qui l’a subi ? — Je nlhésite pas à répondre, dis-je, que je donnerais satisfaction à la victime par la punition du coupable.- Donc, l’auteur de foffense te paraîtrait plus malheureux que li offensé ? »— Cela va de soi, dis-je. Ainsi, par cette raison et par d’autres qui s’appuient sur le même principe, il est clair que si la méchanceté engendre nécessairement la misère, ce n’est pas le mal quion souffre qui est un malheur, mais celui que l’on fit. — Aujourdihui cependant, dit-elle, les avocats se règlent sur l’opinion contraire. (Yest en faveur de ceux qui ont souffert quelque grand dommage qu’ils s’efforcent d’é· mouvoir la compassion des juges, et pourtant les coupables ont des droits plus légitimes à la pitié ; ce n’est pas avec colère, mais bien avec un sentiment de tendre commisération, que leurs accusateurs devraient les conduire au juge, comme on mène les malades au médecin M, afin que leur infirmité morale trouvât sa guérison dans le supplice. Le zèle des défenseurs en serait singulièrement refroidi, ou, s’ils voulaient absolument

se rendre utiles à leurs clients, ils n’auraient quià se charger du rôle de Vaccusation. Je dis plus, si les cou-