Page:Boethius - Consolation 1865.djvu/169

Cette page n’a pas encore été corrigée

LA CONSOLATION PHILOSOPHIQUE, LIV. II. 85 la terre l’homme tint le premier 1·ang parmi tous les êtres, et vous, vous ravalez votre dignité au-dessous des créatures les plus infimes. Car s’il est vrai qulun bien ait plus de prix que celui qui le possède, comme vous faites consister les vôtres dans les plus vils objets, d’après votre estimation même, ces objets vous priment en valeur. Et, par le fait, l’estimation est exacte. Car telle est la condition de Yhomme, que s’il est supérieur au reste des créatures lorsqu’il a conscience de lui-même, il tombe plus bas que la brute lorsqu’il cesse de se connaître. Chez les animaux, cette ignorance de soi-même est une conséquence de leur nature ; chez l’homme, c’est un effet de sa dégradation.

Que votre erreur est donc grande, vous qui pensez que l’on peut s’embellir au moyen d’une parure étrangère ! C’est tout simplement impossible. En effet, quand un objet doit son éclat à des ornements d’emprunt, ce sont ces ornements qu’on admire. Quant à l’objet qu’ils recouvrent et’ dérobent aux regards, il n’en conserve pas moins toute sa laideur. De plus, je ne puis accorder que ce qui peut nuire à qui le possède soit un bien. Est-ce que je mens ? Non, diras-tu. Or, les richesses ont souvent nui à ceux qui les possédaient, par cette raison que les scélérats les plus pervers, et conséquemment les plus avides du bien d’autrui, se croient seuls dignes de posséder tout ce qu’il y a au monde d’or et de pierres précieuses. Toi donc, qui trembles et redoutes aujourd’hui l’épieu et le glaive “’, si tu étais entré sans bagages dans ce sentier de la vie, tu chanterais au nez du voleur. Étrange félicité que celle qui vient des richesses de la terre, si on ne peut l’acquérir qulaux dépens de sa sécurité