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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

Bientôt, il put se lever et faire quelques pas dans la chambre, appuyé sur l’épaule d’Henri. Il parlait presque toujours de sa mère, de Rézenlieu et de la France. On ne peut dire s’il en parlait avec de la tristesse au fond du cœur car sa voix était calme. Il avait repris possession de toute sa mémoire.

Un matin qu’il reposait dans un grand fauteuil, près de la fenêtre Henri lui dit, après quelques ménagements :

— Marie-Anna va venir… Elle veut vous voir.

Il pâlit un peu ; ses traits exprimèrent une immense peine mais ce ne fut que le temps d’une seconde. Il sourit presqu’aussitôt comme s’il eût voulu faire taire en lui-même la voix mal éteinte des anciennes luttes. Il sembla réfléchir durant quelques instants puis, avec cette coquetterie innée qui est l’éternel privilège de la jeunesse, il demanda un miroir. Henri le lui apporta ; alors il contempla longuement sa pauvre figure émaciée, ses pommettes saillantes, les orbites de ses yeux creusés et bleuis par la maladie, son front balafré d’une profonde cicatrice, la marque ineffaçable de son dévouement.