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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

nous sommes, j’ai vu périr un homme de la mort la plus sûre, la plus lente, la plus effroyable qu’on puisse imaginer. Il conduisait un canot et se trouvait en face de l’entrée du chantier quand nos hommes l’aperçurent. Déjà, le courant l’entraînait visiblement ; il ramait avec effort. On lui cria de ne pas aller plus loin ; trop tard ! il était épris par le courant. Il appela, implora désespérément mais ses cris ne servirent qu’à attirer une foule plus nombreuse pour le voir mourir. Nous distinguions sur son visage les contractions de l’épouvante ; nous croyions ressentir dans nos muscles chacun de ses efforts pour remonter le courant. Le canot descendait toujours. Jamais je n’oublierai un pareil spectacle ! toute cette foule hurlante, impuissante à secourir ce malheureux le vit avancer vers la mort ; des femmes perdirent connaissance. Jusqu’au dernier moment il rama en désespéré ne quittant la vie qu’après une lutte inutile et acharnée qui dura près d’une heure. Il y eut un immense cri sur la rive ; le canot piqua et tout disparut !

Jacques fut fortement impressionné par ce récit.