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MARIE-ANNA LA CANADIENNE

sant sa chimère de toutes les forces de son âme encore follement éprise.

Elle reçut des nouvelles de Jacques et lui répondit, mais ses réponses devaient trahir sa détresse car les dernières lettres de Jacques s’en ressentaient. Il avait deviné que quelque chose se tramait autour de Marie-Anna pour la détacher de lui. Ses lettres devenaient pressantes, lyriques et un peu désordonnées :

Rézenlieu-Villodin. 15 mars.

Tu m’aimes, Mia-Na et tu me mets à la torture ! Enfoncé chaque jour dans une solitude sans horizons, j’en atténue l’horreur en relisant tes premières lettres si pleines de toi, si remplies de tout ce que j’aime en toi : mais hélas, depuis plusieurs semaines j’attends en vain ces paroles bénies toujours les mêmes et toujours nouvelles qui sont le soutien de mes espérances, l’aliment miraculeux de ma foi en ton amour. Ne m’oublie pas, Mia-Na, je t’en supplie, ne m’oublie pas ! Ton éloignement m’entoure de ténèbres ! Ton silence me fait peur. Il me semble être enlisé sous une montagne de neige et tu me regardes périr sans me tendre la main ! Ô Mia-Na ! Si Je savais que tu puisses m’oublier, j’abandonnerais tout, famille, fortune, avenir et j’irais me jeter à tes pieds, trop heureux encore si je pouvais lire dans ces beaux yeux noirs qui m’ont rendu fou, un peu de pitié, un peu d’amour !…

Rézenlieu-Villodin, 25 avril.

Enfin une lettre ! Une lettre de Marie-Anna ! Mais est-ce bien toi, est-ce bien la même Mia-Na qui a écrit ces lignes