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de toute la poésie des vieux peuples de la terre ; vêtement Qui n’est pas toujours virginale, et qui n’en est que plus douleur. d’immortelle splendeur tissé pour tous ces Souffrants de la Pensée, des infatigables doigts d’épines de la virginale Douleur !

VII

Ô l’étrange, l’admirable effet de la contemplation de ce chef-d’œuvre ! de cette poignante figure de bronze qui m’a tant rappelé la terrible MÉDUSE de ces poëtes enfants qui symbolisaient ainsi l’excès de l’épouvante et le comble de l’étonnement humain ! Je me suis trouvé semblable à un homme visité de quelque apparition surnaturelle et qui, tout frémissant encore, essaierait inutilement de la raconter et sentirait avec amertume l’impossibilité d’y parvenir. Alors ses pensées s’élèvent en tumulte et grandissent jusqu’à l’objet même qu’elles voudraient saisir et qu’elles s’efforcent désespérément de pénétrer : Telle est l’infirmité humaine de l’enthousiasme ! Source vivante et généreuse de ce divin sentiment, jaillis et monte jusque-là, ô mon cœur ! élève toi sur cette coupole de feu qui touche au Ciel et qui reçoit, en les réfléchissant sur la terre, les derniers traits flamboyants du grand astre du jour appesanti vers son couchant ; parle, si tu le peux, la langue immatérielle qui convient à ta pure essence et qui correspond à ta céleste origine : — L’esprit, le pesant esprit ne te suivra pas. Il retombera, accablé, dans l’accablante vie de son terrestre pénitentiaire, interrompu aux deux tiers de son plus vigoureux essor ! Eh bien ! cette sublime puissance de féconder les esprits par l’éclatante et soudaine manifestation de la Beauté ; cet étonnant privilège de l’Art de s’approprier et de mettre en œuvre les essences mêmes des choses et de créer ainsi, — à la façon humaine, — comme Dieu crée lui-même, — à la façon divine ; enfin, ce spectre incontesté des plus grandes âmes, étendu, comme la main de Moïse, sur le front de tant de peuple combattant