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astreint à la pénitence la plus Dgonrense et à une surveillance constante.

Les chefs de secte, les relaps, tes personnages importants, même s’ils se rétractaient, et les hérétiques obstinés étaient toujours condamnés à mort, et en général au supplice du feu ; mais parfois le tribunal accordait à ces malheureux, surtout en cas de rétractation, la gràce d’être étranglés avant que le feu fut mis au bûcher, et c’était là un des moyens dont on se servait pour obtenir des apostasies auxquelles on tenait beaucoup. Chaque procès était suivi d’une cérémonie pompeuse, mêlée de rites religieux, célébrée sur la place publique, et à laquelle les autorités et la cour même assistaient. C’est cette cérémonie où les sentences étaient lues aux condamnés, et qui, pour les condamnés à mort, précédait immédiatement le supplice, qui portait le nom

d’~c~e/o ! Un manuscrit très-intéressant, dû évidemment à un témoin oculaire et qui a été récemment trouvé dans la bibliothèque de Madrid. nous a conservé le récit de l’auto-dafé de VaJJadoJid, le 21 mai 1559, fête de la Trinité le premier où, en Espagne, des protestants aient pérL Cette cere’moK :’e~ comme disent les écrivains dn temps, eut lieu en présence de don Carios, encore enfant, de la princesse Jeanne, sœur de Philippe If, et des seigneurs de la conr, qui cependant ne paraissent pas avoir assisté au supplice. Ils virent du moins, du haut d’une estrade spéciale qui leur avait été réservée, s’accomplir la première partie du drame, la lecture des sentences, "Je beau sermon, prêché aux condamnés qui avaient fait amende honorable, et qui, après avoir juré de renoncer à toute hérésie, recurent l’absolution, furent déclarés rénonciJiés avec FEgJise, puis rctournèreut dans les cachots où la plupart étaient destinés à finir leurs jours. Ceux-ci étaient au nombre de huit. Quatorze autres, condamnés à mort, furent, après la tin de l’acte, conduits hors de la ville au lieu du supplice ; dans le nombre se trouvait le chef des protestants d’Espagne, Augustin de Cazalla, chanoine de Salamanque. Théologien et orateur célèbre, Cazalla avait dû à ses talents remarquables d’être nommé prédicateur de Charles-Quint ; il l’avait suivi en Allemagne, où la réforme grandissait chaque jour, et avait fini par se convertir aux idées de Luther. De retour dans sa patrie, il avait essayé de répandre autour de lui se ;! nouvelles convictions, et le succès avait été grand, mais l’inquisition intervint ; tous les parents de Cazalla avaient été arrêtés avec lui, quelque-uns se rétractèrent pour sauver leurs jours et furent condamnés à la prison perpétuelle. Un de ses frères, selon certains auteurs, deux de ses frères et une de ses soeurs, selon d’autres, périrent en même temps que lui. Sa mère Léonore de Vivero était morte en prison, mais les inquisiteurs n’en avaient pas moins continué son procès et l’avaient condamnée au feu 1. M. J. M. GMrdia a publié nu extrait de ce remarquable document dans la Revue < !e !’<)M<McMM publique, 4 septembre i86S.

elle fût brûlée en emgie, et ses ossements, qui avaient été recueillis avec soin, figuraient dans l’acte de foi et forent jetés sur le bûcher. Les tribunaux de t’inquisition ne faisaient pas exécuter eux-mêmes les sentences de mort qu’ils avaient prononcées. L’Ëg)ise ayant horreur du sang, les religieux dominicains ponvaient bien condamner à mort, mais non présider au supplice ils avaient des bourreaux à leur service pour torturer les prisonniers dans les cachots, mais non pour les mettre à mort, et ceux qu’ils condamnaient au dernier supplice étaient remis aux mains de l’autorité laïque, qui se chargeait de faire exécuter les sentences cela s’appelait être relayé au bras séculier. On a vu ainsi, pendant des siècles, en Espagne les pouvoirs civils exécuter complaisamment des arrêts dont ils ne pouvaient

~n aucune façon contrôler l’équité. Si l’on ajoute aux détails que nous venons de donner, ce fait qu’aucun appel à une juridiction supérieure n’était possible, et que les inquisiteurs investis d’un pouvoir absolu dans tout ce qui tenait à l’hérésie, ne relevaient de personne, n’étaient responsables de leurs actes qu’envers le saint-siége, et trouvaient un facile appui dans le fanatisme du peuple, on comprendra la terreur profonde qu’ils inspiraient leurs espions étaient partout, et l’Espagne entière tremblait devant eux.

Peu à peu cependant leur pouvoir diminua. Les guerres de religion avaient cessé ; le fanatisme allait partout décroissant, et le dix-huitième siècle vit déchoir, même en Espagne, ia puissance des inquisiteurs. La révolution française et les bouleversements qui en furent la suite lui portèrent le coup mortel. En 1808, le roi Joseph abolit !&s tribunaux de l’inquisition que Ferdinand VII, plus tard, essaya en vain de rétablir. Ils disparurent un peu plus tard en Portugal, et le Saint-Office romain est aujourd’hui le seul et inoffensif représentant de cette funeste institution.

Depuis qu’elle est détruite, divers écrivains ont tenté d’en faire l’apologie. On peut leur accorder que jadis des reproches exagérés ont été parfois adressés à certains inquisiteurs, que tous ne furent pas des monstres, que beaucoup d’entre eux, en s’acquittant de leurs lugubres fonctions, pensaient de bonne foi rendre service à la religion et à !a vérité ; mais il ne sera jamais possible d’innocenter l’oeuvre elle-même. Le génie du mal n’a certainement jamais forgé un instrument plus complet do tyrannie, de violence et d’injustice, que les tribunaux de l’inquisition, et le principe même qui était à la base de toute l’institution, la répression de l’erreur par la force matérioite, est le plus faux et Jeplusanti-cnréticn que les hommes aient jamais professé.

!J ne pouvait enfanter que de funestes conséquences. 

On a beaucoup discuté sur Je nombre des malheureux frappés par l’inquisition, surtout en Espagne, et rien ne serait plus ditSee que de l’établir, parce que, à tous ceux qu’elle a punis du dernier supplice, il faut ajouter ceux, bien plus nombreux, qui dans