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Paul IV et Je roi Henri Il crurent ne pouvoir.. mieux faire pour en empêcher tes progrès, que de rétablir les tribunaux de l’inquisition. Ils rencontrèrent partout ]a plus vive résistance. Le Parlement de Paris refusa d’enregistrer i’ëdit royal qui confirmait la bulle du pape ; il fallut un lit de justice pour l’y contraindre, et malgré cet enregistrement forcé, les magistrats éludèrent la question et réussirent à empêcher l’exécution de l’édit.

U n’en fut pas de même en Espagne et en Portugal. Dans ces deux pays les tribunaux de l’inquisition prirent rapidement un grand pouvoir, se firent craindre des plus puissants, et se signalèrent par des rigueurs qui ont rendu le nom d’inquisiteur justement odieux. L’inquisition d’Espagne avait une organisation complète. Nommé par le roi, confirmé par le pape, l’inquisiteur général avait sous ses ordres toute une hiérarchie de subordonnés répandus dans tout le royaume et auxquels rien n’échappait. Les Juifs et les Maures furent ses premières victimes, et quand plus tard la Réforme se répandit dans la péninsule, l’inquisition, redoublant ses rigueurs, réussit à en étouffer dans le sang jusqu’aux derniers germes. Les crimes ou prétendus crimes, dont ces tribunaux avaient la connaissance, peuvent, d’après les auteurs ecclésiastiques, se réduire à six catégories t° l’hérésie ; 2° le soupçon d’hérésie ; 3" la protection de J’hérésie ; 4° la magie, les sortilèges, les maléfices, les enchantements 5° le blasphème, s’il contient une hérésie ou quelque chose qui y ait rapport ; 6° les injures faites à l’inquisition ou à quelqu’un de ses membres, et la résistance à l’exécution de ses ordres. Ainsi ce n’était pas le fait seulement que l’inquisition poursuivait, mais aussi l’intention ; les pensées aussi bien que les actes et les paroles. Dresser un semNabie catalogue de délits, c’est ériger en droit l’arbitraire le plus complet. Il semble cependant que, d’après cela, les Juifs et les Maures, si nombreux en Espagne, devaient être à l’abri des coups de l’inquisition, puisqu’eHe ne poursuivait que les hérétiques, et qu’un chrétien seul peut devenir hérétique, mais en fait les choses se passaient dméremment. La crainte, l’intérêt, les violences qu’ils avaient à subir, avaient arraché à une multitude de Maures ou de Juifs quelques semblants d’abjuration auxquels eux-mêmes n’attachaient souvent aucune importance ; les inquisiteurs au contraire y donnaient grande attention, tenaient ces malheureux pour de nouveaux e/M-c~MM, et, au moindre signe indiquant qu’ils revenaient à lenrs anciennes idées, on ne les avaient jamais abandonnées, l’inquisition sévissait. Ceux qui, plus prudents, n’avaient jamais donné prise par aucun acte pouvant être regardé comme une abjuration, n’étaient guère plus en sûreté. La moindre offense aux dogmes ou aux pratiques chrétiemies, la simple possession d’un livre où le christianisme était discuté, la plus légère tentative pour empêcher l’abjuration d’un des leurs ou ramener à leur foi un KoM<’esM’e~-6’ ?~ suffisait pour les placer sous la jurisprudence des tribunaux du Saint-ONce. S’ils échappaijut, à force de prudence, à tant de dangers, l’inquisition se chargeait de rechercher si, dans leurs propres croyances, dans les pratiques de leur cuite, il n’y avait pas quelque chose qui fût analogue à l’une des pratiques ou des institutions du christianisme, puis elle les surveillait avec soin, et si elle les voyait négliger cette partie de leurs devoirs religieux, c’était assez pour qu’eUe se crût en droit de sévir. Grâce à ce large système d’interprétation, à cette étrange extension de l’institution primitive, un tribunal dont la seule mission officielle était de punir les chrétiens tombés dans l’hérésie, tenait tous les habitants de l’Espagne sans exception, et quelle que fût leur foi religieuse, sous son redoutable pouvoir. Ceux qu’il traduisait à sa barre lui échappaient bien rarement. Comme tous les pouvoirs absolus, l’inquisition se croyait, ou du moins se déclarait infaillible ; tout accusé était, jusqu’à preuve du contraire, réputé coupable et la preuve était impossible à fournir. Tout secours, en effet, faisait défaut à l’accusé, tout rapport avec lui était impossible ; il ne pouvait appeler à son aide aucun témoin à décharge. Comme il était tenu pour hérétique, l’aider en quoi que ce fût, avoir avec lui une relation quelconque, c’était protéger l’hérésie, ce qui constituait un des crimes que les inquisiteurs étaient chargés de punir. J’ailleurs, que ie tribunal fût saisi par la voix publique, les dépositions de témoins, les aveux spontanés du coupable, qui, parfois pour sauver au moins sa vie, allait se dénoncer luimême, ou enfin par les rapports de ses espions, la procédure était toujours secrète. L’hérétique, jeté dans un cachot et privé de tout rapport avec le monde extérieur, y languissait ’opgtemps sans connaître de quoi c~ ~a~ et

sachant seulement que tousses Jji~hù .j. dû être immédiatement conNsqnés. On attendait qu’il demandât lui-mème à comparaitre devant ses juges. Ceux-ci alors, sans l’interroger, sans lui expliquer les motifs de son arrestation, le laissaient se justifier comme il pouvait, l’engageaient simplement à faire des aveux, et

souvent lui tendaient les plus habiles piéges. C’était seulement dans le cas où l’on ne pouvait pas obtenir ainsi l’aveu désiré, qu’on communiquait au prévenu les pièces de l’accusation en lui donnant, pour la forme, un avocat ; mais il n’était jamais confronté avec les témoins qui l’accusaient, il ignorait leur nom, et si Fespoir de voir diminuer sa peine ne l’engageait pas à un aveu qui pouvait fort bien n’être qu’un mensonge, les tortures de la triple question par la corde, par l’eau et par le feu, le lui arrachait bientôt. Une fois qu’il avait avoué, il était condamné, et le dernier acte de ce Jugubre drame était J’oM~o-~s~.

En général, l’hérétique qui se déclarait repentant, rétractait ses erreurs et demandait miséricorde, n’était pas condamné à mort ; mais la confiscation de tous ses biens était maintenue, et il finissait ses jours dans les prisons du Saint-Office ou de quelque couvent