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tre chose qu’un art d’expédients, il y aurait longtemps que l’État aurait vu que tout ce qu’il livre, en fait de positions privilégiées, est autant de préjudices, que non-seulement il fait au public, mais qu’il se fait à lui-même. L’activité libre est le meilleur et le plus sûr véhicule de la richesse, et par suite la source la plus abondante des revenus du Trésor. Quand l’État rétrécit le champ de cette activité, il prend parti contre lui-même ; quand il livre à quelques-uns ce qui est ie domaine de tous, il commet une injustice dont il est le premier puni. Nulle mesure n’est plus exacte pour le degré de richesse d’un peuple que sa liberté d’action. C’est en matière d industrie surtout que cette vérité est démontrée jusqu’à l’évidence. Tant qu’elle a été renfermée dans des compartiments où les initiés seuls avaient accès, 1 industrie n’avait, ne pouvait avoir qu’un développement limité elle eût éterne)iement végété, si elle n’eût brisé ses cadres. Bonnes au début, comme moyen de défense, les institutions corporatives étaient devenues, dans leur durée, un instrument d’oppression en même temps qu’une cause de faiblesse. L’émancipation de l’industrie a seule éveiHé les germes de sa puissance, et l’a amenée où nous la voyons. Aux groupes artificiels et restreints, où les procédés et les méthodes étaient strictement imposés. où les syndicats et l’Etat étouffaient l’esprit d’invention par un contrôle combiné, cette émancipation a substitué ces grands établissements que leur convenance inspire et que le génie individuel anime, qui n’ont, pour prospérer et se multiplier, d jutre privilège que les services qu’ils rendent, sont ouverts à tous les bras, à toutes les expériences, à toutes les spéculations. Quel témoignage veut-on de plus des bénéfices que procure une entière liberté d’action t Pour la communanté, il suuit d’évaluer la richesse acquise et t’excéda ;] des bras occupés pour l’Élat, il suffit de comparer ce qu’était autrefois la matière imposable à ce qu’elle est aujourdhui. L’épreuve est donc concluante, et tel est pourtant l’empire des habitudes que chaque jour on convie l’Etat à reprendre quelque débris de ce domaine qu’il il a abandonné, à mettre la main sur cette activité qui lui a été si profitable. De bien des cotés, et à tout propos, se font entendre des déelarations d’impuissance et des appels à une

nouvelle tutelle il semble que partout où i’État manque, tout va manquer. L’industrie ellemême demande que i État mette du sien dans tes services qu’elle rend. y intervienne ici par des faveurs, là par des empêchements, se fasse juge et garant des procédés qu’elle emploie et des résultats qu’elle obtient, devienne l’arbitre et le distributeur des fortunes qu’elle procure. Ce travers est si général, il prend tant de formes, et des formes si ingénieuses, qu’il n’est pas sans intérêt d’y insister.

Autrefois le prétexte le plus spécieux pour impliquer la responsabilité de l’État dans les actes de l’industrie, c était le souci de la bonne confection du produit. Point de garantie suNiMnte si l’État n’y mettait pour ainsi dire son estampille. n attestait qu’une étof ’i-rait le nombre exigé de fils et la matière colorante la solidité requise. Peu d’articles échappaient à ce contrôle les cuirs, les fers portaient une marque les denrées étaient assujetties aux règlements des halles, des marchés et des étaux ; les grandes foires se passaient sous

!’œit d’inspecteurs tous les mouvements du 

négoce relevaient d’une police particulière. Des oppressions subalternes se cachaient sons ce régime, énervaient le travail et n’aboutissaient guère qu’à des préjudices d’argent et des pertes de temps. Par ia force des choses, ces charges odieuses ou puériles ont décru et décroissent chaque jour en nombre et en intensité ; on commence à comprendre que la ~eiUeure garantie de la bonne confection des produits est le libre débat qui s’établit entre le vendeur et l’acquéreur, débat qui a pour conséquence la préférence pour ce qui est bon, le délaissement pour ce qui est mauvais. Sauf quelques surprises passagères, il en est désormais ainsi. Mais si l’on renonce peu à peu à tenir la main de l’État engagée dans des détails où son moindre tort ét~it l’impuissance, on se retourne vers d’autres combinaisons, bien plus graves pour sa responsabilité et non moins onéreuses pour l’industrie. Ce qu’il ne fait pins en faveur des produits, on demande à l’Etat de le faire en faveur des hommes. Ici ce ne sont plus des voix isolées qui s’élèvent, ce sont des écoles qui se montrent avec leurs programmes et lenrs plans d’amélioration. Il serait trop long de suivre ces écoles dans les rêves contradictoires qui en sont issus ; aucun de ces rêves n’a supporté et ne supporte J’examen ils ne resteront que comme un des signes du temps, et nn témoignage de la disposition des esprits. C’est tantôt une association forcée, tantôt un tarif ouicic) des salaires, tantôt des ateliers de l’état converti en entrepreneur universel, toujours un règlement arbitraire du travail accompagné d’une distribution empirique de ses fruits. Le trait commun de tous ces projets chimériques, c’est qu’un gouvernement ne peut pas, ne doit pas abandonner l’industrie à ellemême, qu’il est pour lui d’obligation étroite d’intervenir d’une manière ou d’une autre dans ie domaine de l’activité manuelle, d’y peser de tout son poids, d’y régler tes rapports réciproqr js de manière à y empêcher i’abus et à y faire régner la justice. Toute époque a en sa chimère ; celle-ci a été Ja nôtre, et il est a craindre qu’elle ne nous survive, en dépit de nos efforts. Trop de gens sont intéressés à y croire. Comment de pauvres ouvriers, qui en retour d’une rude tâche reçoivent un salaire à peine suffisant, se défendraient-ils contre l’idée que l’État peut, d’un coup de baguette, changer leur destinée, les rapprocher de la condition du patron dont ils envient l’opulence, déplacer les rôles, amener à composition ceux qui commandent le travail au profit de ceux qui l’exécutent ? Comment les ramener à un sentiment plus juste, à une notion plus vraie de la nature des choses ? Comment les convaincre qu’il n’y a, au bout d’une combinaison arbi-