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femmes brûlées sur la tombe de leur mari) ; les Thugs on étrangleurs ont été si sévèrement traqués que l’on vient d’abolir les commissions spéciales chargés de les poursuivre. D’après la notification omcielle qui annonce l’abolition de cette juridiction spéciale, nous voyons que 1,300 cas de meurtre par des étrangleurs ont été constatés ; depuisi’établissement de la commission spéciale dans le Pundjab, environ 800 membres de cette criminelle association ont été condamnés à mort. L’influence du gouvernement anglo-hindou s’étend an delà des frontières de l’Inde. L’émir des Afghans, Dhost-Mohammed, était l’allié intime des Anglais, après avoir été longtemps leur ennemi irréconciliable. Ses successeurs sont devenus les agents de la politique anglaise à l’ouest de l’Inde, comme le célèbre Jung-Balador, chef des Goorkhas, l’est du coté du Thibet.

La puissance anglaise dans l’Inde, établie par la violence, connrmée, après une grande incertitude, par une guerre où des deux côtés l’humanité a été outrageusement viciée, est devenue aujourd’hui l’un des organes les plus actifs de la civilisation. Affermie dans les anciennes possessions, elle rayonne au delà sur les pays himalayens, dont quelques-uns ont l’étendue et la population d’nne nation de l’Europe. On peut prévoir une époque où tonte l’Asie au sud de l’Himalaya fera partie de l’Inde anglaise, et si l’on songe que tous les moyens de la civilisation européenne y sont implantés depuis dix ans, on peut se faire une idée de l’importance de cette nation iiouvelle, qui sera sans doute à l’Inde de Clives et de Hastings ce que les Étas-Unis d’anjourd nui sont aux colonies de Walter Raleigh.

Remarquons tout d’abord qu’on s’était trompé de près d’un tiers en moins sur sa population. Ce n’est pas à cent millions, mais à cent quarante-trois millions qu’il faut évaluer la population de l’Inde anglaise et les États dits indépendants comptent encore 48 initiions. Réunis Mus un même gouvernement, les Hindous formeront prochainement un peuple établi dans une région géographique aussi nettement définie que la France ou l’Italie. L’Angleterre y applique résolument le système politique européen, et il est facile de prévoir le moment où le comité consultatif de Calcutta sera un véritable Parlement mixte, composé de créoles et d’indigènes. En 1863, une loi du Parlement avait ouvert aux indigènes l’accès des fonctions administratives, mais cette loi était éludée par une disposition qui faisait d’un examen passé à Londres la condition de l’admission aux emplois. Le gouvernement de sir Staffort Kortheote a obtenu du Parlement un bill qui rétablit l’exécution loyale de la loi de 1863. L’Inde ne sera jamais cependant une Australie, parce que dans l’Inde les Européens n’ont point exterminé les indigènes ils ont dû respecter une civilisation plus ancienne. Par là même les vaincus, dont nn très-petit nombre seulement, les rajahs et les brahmes, appartiennent à la race des vainqueurs, apporteront toujours à la civilisation européenne, le poids et l’obstacle d’une population mongole ou noire. Ce seracependantplus qu’uneAigérie, attendu que les civilisations hindoue et anglaise ont des points de contact pins nombreux que ceux qui peuvent se rencontrer entre l’administration française et la vie primitive des tentes arabes. La race, la religion, la culture intellectuelle, la littérature, les arts rapprochent des Européens les hautes castes de l’Inde quant aux castes inférieures, tellement mêlées depuis quatre mille ans au sang aryan, que le peuple entier des Aryas a disparu dans la caste sondra, ne laissant un certain droit à l’orgueil du sang qu’aux brahmës et aux rajahs, elles sont, par l’ancienneté de leur vie sociale, infiniment plus gouvernables que l’Arabe nomade. Elles n’ont pas une nationalité aussi définie, un fanatisme religieux aussi raisonné.

On avait beaucoup espéré, à l’origine, de la propagation du christianisme, sous ses diverses formes. Depuis lors, les raisons de ne croire à cette influence qu’avec réserve se sont multipliées. Les missionnaires aussi bien que les indianistes (Foy. Burnouf, dans la Revue des De :< ;c-MoM<<M) constatent qne les Hindous brahmanistes des classes lettrées ne considèrent le christianisme que comme une branche détachée de leur religion. Ce qui favorise chez eux cette opinion c’est qu’indépendamment des transmissions historiquement reconnues (Burnouf, Ct. de Gobineau, L. Jacolliot), la retig’on brahmanique contient, avec un dévUoppement légendaire plus considérable, les éléments dogmatiques et moraux qui sont l’essence du christianisme. Les Hindous des castes inférieures, au contraire, loin de s’éloigner du christianisme comme d’une simplification violente de leurs dogmes, seraient sans doute attirés par cette simplification même et par le grand rôle de la charité, s’ils ne trouvaient le premier de ces deux caractères plus fortement empreint dans l’islamisme, où d’ailleurs le second est honorablement représenté. Le Bouddhisme, qui satisfaisait, dans une plus large mesure encore, à ces deux besoins de la conscience poputaire. ayant été enlevé violemment anx Hindous par la réaction brahmanique du VHe siècle de notre ère, ils

se sont jetés vers l’islamisme qui ne leur a point été apporté par des conquérants (Mahmoud le Gaznévide n’a dominé que le nordouest), mais par une propagande pacifique. U existe actuellement dans l’Inde vi~gt millions de musulmans.

Progrès matériels, administratifs, financiers, importés d’Europe ; civilisation morale et intellectuelle rajeunie par nn système d’instruction publique et par l’élévation même des études indiennes dans l’Europe, tel est donc le devenir de l’Inde, si rien ne vient entraver son développement. Or, comment ne pas mentionner ici l’inquiétude manifestée depuis si longtemps par des Anglais et par d’antres Enropéens à l’égard de la seule puissance à qui l’on suppose le désir et les moyens de dominer l’Asie ? Les expéditions de la Russie dans l’Asie cen-