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dualité, il avait composé de lenr ensemble une histoire abstraite, une forme idéa !e qui tient à tous les temps, qui se reproduit chez tous les peuples sans en rappeler spécialement aucun. Ce qui nous apparaît de la succession des nations, de leur naissance, de leurs développements, de leur grandeur et de leur chute, n’est que l’expression du rapport du monde avec cette indestructible cité. Elle s’abaisse vers lui et le marque de son empreinte de là une suite indéfinie de ruines, d’empires naissants, de trônes brisés, de changements et de débris qui tous ont leurs représentations dans l’absolu.

f !m.)ginez quelque méthode contraire en tout à celle qui a été suivie par Vico, cesera celle de Herder. Si le premier donne pour point d’appui à la série des actions humaines la pensée dans sa plus sublime essence, le second s’élève de la manifestation la plus grossière de l’être matériel il enchaine dans une seule idée, partout présente et partout modifiée, l’espace qui renferme les pouvoirs de la création et le temps qui les perfectionne en les développant. Depuis la plante qui végète, depuis l’oiseau qui fait son nid, jusqu’au phénomène le plus élevé du corps social, il voit tout procéder à l’épanouissement de la fleur de l’humanité qui n’est encore qu’en bouton, mais qui doit éclore un jour.

C’est par la description de la terre que Herder commence sa philosophie de l’histoire. Il dresse d’abord le théâtre où doit se jouer l’action humaine. Si Karl Ritter écrit sa géographie admirable, si Humboldt même compose son poème scientifique du Co~Mo~, c’est parce que Herder a publié ses Idées sur la philosophie de l’histoire. Aucun livre n’a exercé plus d’influence. C’est le ferment d’un siècle, a dit Gervinus. Et Gœthe, jeune encore, lisant en Italie ces pages si pleines de pensées, retrouvait dans son eceur l’enthousiasme lyrique des siècles anciens pour exprimer la joie qu’il en avait ressentie. Toutes ces grandes idées ont fait depuis leur chemin et sont devenues presque vulgaires ; mais c’est le livre de Herder qui est la source d’où elles ont coulé, et s’il y a enfin pour le.philosophe, pour l’historien, pour 1 homme d’État, pour le diplomate, une seule et même humanité, jeune encore, mais adulte demain et bientôt maîtresse deson globe terrestre, nous le devons à Herder, successeur et héritier de tant de grands génies. Survint presque aussitôt la révolution de 1789, qui, elle encore, peut réclamer l’honneur d’avoir éclairé l’histoire et enorgueilli la pensée de l’homme. Aussi comme de toutes parts, au temps où nous vivons, surgissent les travaux historiques Quelles œuvres admirables le commencement de ce siècle-ci n’a-t-il déjà pas produites, et comme il est consolant, lorsque les lyres de la poésie semblent brisées, lorsqu’on a forcé l’éloquence à se taire, de voir encore assidus à leur tâche ceux qui doivent continuer la gloire de leurs devanciers et, en s’illustrant à leur tour par des chefsd’œuvre, enrichir le patrimoine de l’humanité Tacite nous a laissé dans ses écrits un mot dont nous sentons encore la tristesse et l’amertume NM’a ~mporMM/eKcz~a~e MM sen<w~M<B velis et }M<B sentias dicere Kce~. Mais au moins nous sentons aussi que bientôt l’histoire sera tout à fait libre et qu’elle n’aura pas besoin d’attendre qu’un siècle soit écoulé pour oser le peindre.

Il y a une maxime fameuse, celle-ci On doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts que la vérité. C’est une maxime des temps passés. Oui, l’on doit des égards aux vivants et il ne faut pas troubler la vie privée de ceux qui n’ont rien à démêler avec la justice de l’histoire contemporaine ; mais un âge démocratique autorisera l’historien à exercer à toute heure son ministère d’accusateur et de juge public. Qui monte au pouvoir, devient à l’instant même un homme de i’histoire, et désormais l’histoire, vengeresse des droits de tous, commencera son rôle du vivant même de ces élus du sort, de ces privilégiés de la nature qui ne peuvent réclamer les honneurs et les avantages de la vie publique si en même temps ils en rejettent loin d’eux les devoirs et les charges. Ce serait plutôt aux morts que nous devrions des égards, car ils ne sont plus là pour se défendre.

Revendiquer ces droits pour l’histoire des hommes vivants, ce n’est pas vouloir ressusciter l’ancienne satire c’est, à notre avis, se rendre compte de l’esprit de notre génération qui, après qu’on en a fini avec les théocraties du premier âge et forsqu’on cherche à en flnir avec l’âge héroïque de Vico, ne veut pas, dans (âge civil, créer un nouveau fétichisme et protéger d’autres héros, et n’entend plus qu’on juge les chefs et les hommes d’État d’après les portraits et les inscriptions des médailles. Saint-Simon avait, dès la monarchie même. déshabitué l’histoire du respect servile. U est à souhaiter qu’aucune épo.p :e ne manque de Saint-Simon. Fions-nous à la raison pour apercevoir et faire honorer la vérité. L’histoire voit donc chaque jour s’agrandir sa tàche et se multiplier les diuicuités de son oeuvre. A mesure surtout que les intérêts matériels se développent, la variété des études qu’il faut entreprendre, menace de décourager les esprits timides ; mais il est dansla destinée de l’homme que ces facultés grandissent avec les obstacles qu’il doit vaincre, et nous pouvons tenir pour certain que les historiens ne manqueront pas à l’histoire et que l’histoire ne manquera pas aux futures sociétés qui attendront d’elle de si grands services

PAUL BOITEAU.

HISTORIOGRAPHE. Il n’y a plus guère d’historiographe qu’en Chine ; mais au moyen âge, un certain nombre de princes prenaient leurs précautions vis-a~is de la postérité en faisant écrire leur stoire dans leur palais même. Jusqu’en 1789, il y eut un historiographe de France. Le dernier s’appelait M. Moréas. Y a-t-il à présent quelqu’un qui sache ce qu’il a écrit, ou qui, venant à le savoir, se donne-