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MARINE.


laisser usurper par personne, et dont il semble que la Providence, en créant la mer comme le patrimoine commun des nations, ait voulu réserver la liberté à toutes en défendant à l’homme d’avoir aucune action immédiate sur elle, en lui refusant les moyens de se l’approprier comme il s’approprie la terre par le travail, en ne lui permettant d’y laisser d’autre trace de son passage que le sillage fugitif et bientôt effacé de ses navires Usez-en tous, mais la mer n’appartient à aucun de vous en particulier.

Ces principes sont désormais acquis, mais ils ne se sont développés dans le monde qu’arec les progrès de la civilisation générale, qu’avec les progrès qu’ont faits eux-mêmes tes arts de la navigation. Aussi longtemps que le navire ne s’aventurait pas hors de la vue des côtes, ou tout au plus se risquait à prendre le large dans quelques parages seulement des mers intérieures, il n’y avait pas lieu de s’occuper de ces questions. Le peu d’empire que l’homme avait alors sur les flots ne lui permettait même pas d’en soupçonner l’importance, ou pour mieux dire encore, lui faisait envisager les choses d’une facon toute contraire à la nôtre. Au lieu de considérer la mer comme le carrefour des nations, comme une grande route ouverte impartialement par la nature et réservée par elle avec une sorte de jalousie équitable au commerce de tous les peuples, le poëte, même au temps d’Auguste où le genre humain était déjà cependant riche de tant de lumières, regardait l’Océan somme un obstacle à la sociabilité des hommes.

Vers qui nous fait sourire aujourd’hui et auquel nous ne savons plus répondre qu’en affirmant exactement le contraire de ce qu’il exprime 1

Éclairés par l’expérience et par des lumières supérieures, au moins en ce qui concerne les sciences exactes et leurs applications, nous n’avons pas à tirer d’autre conclusion de cette manière de voir, sinon que du temps d’Horace la marine, quoiqu’elle eut déjà joué un rôle important dans lesaffaires de ce monde, comme on venait d’en voir un nouvel exemple à Actium, était encore dans un état voisin de l’enfance. C’était le résultat nécessaire du peu d’avancement qu’avaient alors atteint les sciences et l’industrie. N’en déplaise aux archéologues qui ont pris l’antiquité sous leur protection, c’est probablement ce qu’il y a de plus juste à dire de la marine des anciens, en ajoutant toutefois que nous la connaissons assez mal et assez peu. Ce n’est pas que les monuments soient rares, ni que l’on manque de livres consacrés à l’étude de la matière. Les uns et les autres sont au contraire assez nombreux, trop nombreux peut-être, eu égard à l’exactitude et à la qualité, avec les commentairesqu’y ont successivement ajoutés plusieurs générationsde savants,explorateurs infatigables de l’antiquité et souvent riches d’une érudition immense, sauftoutefois sur les choses spéciales DfcH« 

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cmrctssem le sujet. Les *-=)ymenN crav~e dessinés, scuiptés ou moulés ne~~°~ i mais quelle foi devons-nous y ajouti~marquons que tous ces dessins ou toutes t~ gravures ou ces pièces de bronze que l’on cherche à expliquer, nous ne les avons trouvés encore que sur des bijoux, sur des vases consacrés à des usages domestiques, sur des monuments destinés à l’ornementation des villes ou à rappeler la gloire des conquérants. Or, quelle dénance cette seule considération ne doit-elle pas nous inspirer au point de vue de la réalité et de l’exactitude de ces images par rapport à leur ressemblance avec les objets qu’elles devraient nous rappeler. Œuvres d’artisans grossiers et ignorants ou d’artistes qui étaient par-dessus tout préoccupés de l’idée du beau et qui avaient raison de l’être, mais qui, selon toute probabilité, connaissaient très-peu le détail des choses qui n’étaient pas de leur métier t N’est-ce pas ce qui arrive aujourd’hui même chez nous malgré, les garanties que sembleraient devoir nous donner et le développement qu’a pris la marine, ci. le nombre immense des gens qui, ayant fait quelque voyage par mer, doivent être plus choqués que ne l’était sans doute le public des anciens des erreurs qui peuvent se rencontrer sur les bagues gravées, sur les dessins, sur les peintures dont nous ornons tous les objets consacrés aux usages de la vie quotidienne ? li n’y paraît pas cependant, et surtout il n’y parait pas sur les monuments qui embellissent nos villes. Sans aller le chercher bien loin, on en voit un exemple éclatant à Paris sur la place même de la Concorde, qui est toute remplie d’attributs marins inventés par toutes les fantaisies et sans respect aucun pour la réalité, absolument comme si l’on s’était proposé de narguer le ministère de la marine et ses ingénieurs, dont les fenêtres prennent leur jour sur cette même place. Si nos bibliothèques et nos archives devaient périr comme ont malheureusement péri celles de l’antiquité, qui

oserait répondre que, dans mille ans, on n’invoquera pas le même voisinage du ministère de la marine pour imputer à notre époque la réalité de ces chimères ? Pour nous aider à restituer nn navire du temps des Césars, combien ne serions-nous pas plus avancés que nous ne le sommes avec tout ce que nous possédons, si un fortuné hasard nous faisait découvrir dans les ruines de Pompé ! la demeure bien authentique de quelque constructeur que la mort aurait surpris dans l’étude de plans, même Inachevés ?

Nous savons peu de chose des galères, et c’est regrettable ; ce qui l’est plus, c’est que nous sommes encore moins renseignés sur les naves oKefaWœ, sur les bâtiments de charge ou, pour les appeler par leur véritable nom, sur les navires de commerce qui accompagnaient à la guerre les flottes de galères, qui remplissaient auprès d’elles le rôle que jouent dans les armées d’aujourd’hui les trains des parcs et des équipages militaires, et qui pen-