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MAJORAT.


hiMtion pure et simple ; mais le décret du 30 mars 1806 et lesénatus-consulte du 4 août suivant rétabtircnt les majorats dans les termes suivants « Quand Sa Majesté le jugera convenable, soit pour récompenser de grands services, soit pour exciter une uti)eému)ation, soit pour concourir à l’éclat du trône, elle pourra autoriser un chef de famille à substituer ses biens libres pour former la dotation d’un titre héréditaire que Sa Majesté érigerait en sa faveur, réversible à son fils alné né ou à nattre et à ses descendants en ligne directe par ordre de primogéniture. »

La Restauration n’avait garde de renoncer à cette disposition législative ; elle s’en empara an contraire pour l’étendre encore, en y ajoutant tes substitutions ; c’était le vieux moule aristocratique, brisé en 1789, dans lequel on tentait de jeter de nouveau la France. La Restauration périt à J’oeuvre, et la loi da ) 17 mai t826, la célèbre loi du droit d’aînesse, qui échoua dans sa disposition principale et se borna à rétablir les substitutions au profit d’un ou plusieurs enfants jusqu’au deuxième degré, resta frappée d’une complète impopularité. En dépit de toutes les déclamations contre la di-"e vision des fortunes et le morcellement des propriétés, lc principe démocratique par excellence de l’égalité dans les partages est et demeure la loi inébranlable de notre société nouvelle.

La loi du 12 mai 1835 porta la disposition suivante Toute institution de majorats est interdite à l’avenir. » Quant aux majorats-existants, il y a une distinction à faire les majorats formés par les donateurs de biens provenant de la quotité disponible, sont limités par la loi de 1835 à deux degrés, l’institution non comprise ; pour les majorais dits de propre monvement, c’est-à-dire dont la dotation a été accordée par l’Etat, ils continuent d’être exécatés conformément au titre qui les a créés. La loi du 7 mai 1849 a prononcé l’abrogation de la loi du 17 mai 1826 qui permettait !’ les substitutions en ligne directe jusqu’au deuxième degré. On est donc revenu exactement au système de la loi du 14 novembre 1792 et du Code Napoléon de 1804. La loi du 12 mai 1835, qui pose un principe absolu, n’a été abrogée jusqu’à ce jour par aucune loi nouvelle. Cependant quelques majorats ont été institués par des lois spéciales à titre de récompenses nationales.

Ces premiers faits étant posés et l’état actuel de la législation étant connu, il nous reste à déterminer à quel régime politique appartiennent les majorats et quelles conséquences ils peuvent produire.

Suivant Montesquieu (Esprit des lois, liv. V chap. vt))), ils ne conviennent pas à un régime purement aristocratique. Le gouvernement par l’aristocratie suppose, exige même l’égatité entre tous ceux qui la composent ; les fortunes démesurément accrues par des substitutions successives mettraient en péril la Constitution et l’aristocratie serait remplacée par l’oligar~ chie ou la tyrannie.. Les lois doivent Oter le u.

droit d’atnesse entre les nobles, afin que .par le partage continuel des successions les fortunes se remettent toujours dans l’égalité. Deux choses sont pernicieuses dans l’aristocratie la pauvreté extrême des nobles et leurs richesses exorbitantes. Pour prévenir leur pauvreté, il faut surtout les obliger de bonne heure à payer leurs dettes. Comme on le voit, Montesquieu raisonne dans l’hypothèse d’une république où l’aristocratie gouverne. La noblesse doit y être modérée, soumise aux lois, point tyrannique et elle doit surtout maintenir l’égalité entre ses membres. < Tous les moyens inventés pour perpétuer la grandeur des familles dans les États monarchiques, substitutions, majorats, adoptions, ne sauraient être d’usage dans l’aristocratie.. Ce sont donc, suivant Montesquieu, les monarchies qui com~portent seules les majorais. Pourquoi cela ? Parce que l’inégalité de fortune entre les nobles n’y est pas à craindre ; les plus riches d’entre eux seront toujours éciipsés par le monarque tout ce qu’il faut à la cour, c’est l’émulation de grandes familles rivalisant de luxe et d’éclat et ne pouvant se ruiner, si pro.digues et si extravagantes qu’elles soient. Il importe peu qu’eUc~ payent leurs dettes, pourvu qu’elles conservent et transmettent toujours intacts leur nom, leurs armes et leur splendeur. Pour qui sait lire Montesquieu et le comprendre à demi-mot, il y a, dans les principes qu’il assigne à la monarchie entourée d’institutions aristocratiques, une cruelle satire du régime sous lequel il a vécu.

Les majorats sont, en tout cas, un grand ressort employé pour créer ou pour maintenir une aristocratie. Dans certainspays,quoi qu’on fasse, leur puissance est presque nulle. Les privilèges qu’ils créent restent sans conséquence, à l’état d’exception ; dans d’autres, au contraire, les mœurs les favorisent et toutes les familles tendent à se perpétuer et à s’agrandir à l’aide de ~ubstttutious. L’Angleterre nous en offrc {’e~emptg. jje.’besotj~He conserver par tous les moyens les ’bien~Mnds intacts dans les familles s’y est fait si fortement sentir que jusqu’au règne de Georges !il, les immeubles, même libres, n’étaient pas affectés au payement des dettes et que le propriétaire pouvait les transmettre, par testament, francs et quittes à ses légataires. Ce n’est qu’en 1833 qu’une loi plus équitable les a définitivement assujettis à la garantie de toutes les dettes. Le premier effet des majorats est de frapper d’inaliénabihté les biens formant l’objet des dotations et de réduire les détenteurs à la condition de simples usufruitiers. De là dérivent tous les inconvénients qui s’attachent d’ordinaire à ce genre de possession. Nous n’avons pas à examiner et à discuter ici les avantages que présente la libre transmission des biens par vente, échange ou donation ; à notre sens, tout ce qui tend à l’entraver le régime dotal, les substitutions, l’énormKé des frais de vente, etc., est un mal et doit être condamné. Enfin les majorats, et d’une manière plus générale les substitutions, sont la négation di17