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l’histoire est non-seulement le témoin des siècles, le juge des hommes et des peuples disparus, le charme de l’esprit vivant ; c’cst la nourrice et l’institutrice des générations qni entrent dans la carrière de l’action. A mesure que t’hnmanité s’achemine vers le but qni lui est marqué, l’histoire lui devient plus utile. On ne sait pas si la poésie, sons la forme que nous lui connaissons. accompagnera jusque dansl’avenir le plus lointain la race humaine qui lui dut, qui lui doit encore tant d’heures de repos et de plaisir ; mais il est sùr que l’histoire sera jusqu’au bout son guide et, quelque beaux modèles que l’antiquité ait iégnés à notre admiration. nous devons espérer qu’à aucune

époque ne feront défaut les belles oeuvres bistoriques. On pent même soutenir que l’antiquité n’a a pas connu la véritab)e histoire, ou du moins n’a pas connu toutes les richesses, toutes les ressources, tous les enseignements de l’histoire, parce qu’il était encore trop tôt pour que les hommes pus :eut mcsarer au passé t avenir de leurs destins. L~, eu pfTct, où i’éternci caractère de l’homme a~st pas représenté, là ou mauqre le sentiment de la solidarité des générations et des siècles, la grande histoire existe-t-elle ?

Les anciens étaient donc plutôt des artistes accomplis que des historiens. Hérodote raconte pour délasser l’esprit et charmer l’oreille ; Thucydide mêle plus de pensée à son art, mais il ne touche qu’un épisode de la vie d’un peuple, et on en peut dire presque autant de t’oiyhe Ce ne sont que des matériaux que recueille César. Salluste se soucie peu des âges passés et moins encore de ceux qui viendront. Le champ s’élargit devant Tite-Livc, mais n’a point l’esprit philosophique et il ne voit que Rome dans l’univers. Tacite même, le grand Tacite, c’est le vengeur des mœurs et de la liberté outragée d’nne époque, mais il n’écrit pas un livre où palpite l’âme de 1 humanité.

Il fallait lagrande révolution chrétienne pour qne, sur les ruines des religions et des empires antiques, surgit la foi dans les destinées inconnues des peuples à naitre. La phi)osopbie de l’histoire, c’est le nom de cette raison on de cette foi ; nous ne la voyons animer des écrits que lorsque les saint Augustin et les Sah’icn prêchent en face des événements passagers ia loi éterneHe du Dieu créateur de la terre. En 4i0. Rome est enfin viotée par les Barbares d’A !anc ; Symmaque, en son deuil paîeu, s’écrie que c’est parce que Rome s’est faite chrétienne que Rome a succombé. Saint Augustin commence alors, pour le convaincre d’ignorance, son livre de la Cité de PtcK. qu’il achève en 426, et où. pour la première fois, l’histoire universelle est peinte tout entière en un même tableau. prosternée, il est vrai. aux pieds do Dieu de la Bible et de t’Ëvangiie. C est sous la même inspiration qne Salvien écrit son beau traité De yM6e ?-K< :< :o/<e Dei, et Orose Bon Histoire. Voilà donc enfin divutguée la pensée qui rattache les actes des hommes les nus aux anh-t.s ! Lucrèce l’avait annoncée, il est vrai, mais trop rapidement, dans le beau vers

Et ttKMf «tfMfet < !«at lampada frayant. Au moyen âge, tout est submergé ; il n’y a plus de lumière, plus de phi)osopt)ic,p.)~sd histoire. On a essayé de saisir dans les clartés de la Renaissance les premiers signes de )a résurrection de la grande histoire ; on montre les ~’o~ome ; où FrançoisBaudoin recommande auxhistoriens d’étudier le droit, qui est le lien des peuples ; on cite de Jean Bodin la ~oA’ /ac !/e pour la coK~a~~aKce de f~~<o :/e, où il veut qu’on ajoute à l’étude des Jois celle des constitutions et celle des mœurs ; on rappelle que Bacon, dans son ~M~ :f ?’a<o mery ?M ~c :’M< !0 !<N :, a déclaré qu’il n’y avait pas d’histoire quand l’historien n’avait pas étudié profondément les sciences et les lettres du peuple dont il raconte la vie. Sans doute, ce sont là les marques du rét’ei) de la pensée qui, au cinquième siècle, saisit saint Augustin ; mais où est i’œuvre qui succède à la sienne ? Elle parait lorsque Bossuet publie son Discours sur l’histoire KMM~eMe, déroulant les annales des empires, de la création au temps de Chartcmagne, pour attester que la parole de Dieu a été, dès la vocation d’Abrabam, confiée à un peuple unique, et que c’est autour des destins de ce peuple unique, de ce peuple ignoré des anciens. que se sont mus les destins de l’antiquité tout entière et ceux du nouveau monde romain, barbare, puis romain encore, mais dont l’édifice sacré est la basilique de Saint-Pierre et non plus le Capitole 1

Écoutez la grande voix du dernier Père de rÈg !i ;.c :

« Dieu s’est servi des Assyriens et des Babyloniens pour châtier ce pcuple ; des Perses, pour le rétablir ; d’Alexandre et de ses premiers successeurs, pour le protéger ; d’Antiocbus miustre et de ses successeurs, pour l’exercer ; des Romains, pour soutenir sa liberté contre les rois de Syrie qui ne songeaient qu’à le détruire. Les Juifs ont duré jusqu’à JésusChrist. sous la puissance des mêmes Romains. Quand ilsl’ont méconnu etcruciné, ces mêmes Romains ont prêté leurs mains, sans y penser, à la vengeance divine, et ont exterminé ce peuple ingrat. Dieu, qui avait résoin de rassembler dans le même temps le peuple nouveau, de toutes les nations, a premièrement réuni les terres et les mers sous ce même empire. Le commerce de tant de peuples divers, autrefois étrangers les uns aux autres, et depuis réunis sous la domination romaine, a été un des plus puissants moyens dont la Providence se soit servie pour donner cours à l’Évangile. Si le même empire romain a persécuté pendant trois siècles ce peuple nouveau qui naissait de tous côtés dans son enceinte, cette persécution a confirmé i Ëg)ise chrétienne, et a fait éclater sa gloire avec sa foi et sa patience. Enfin, l’empire romain a cédé ; et, ayant trouvé quelque chose de plus invincible que iui, il a reçu paisiblement dans son sein cette Église à laquelle il avait fait une si longue et si empile guerre.