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LYNCH (Loi M). MACHIAVÉLISME.

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dure fixe, appliquer la loi à laquelle il est tenu d’obéir, tandis que le souverain jugeant directement est tout naturellement porté à se placer au-dessus des lois qu’il ne considère que comme son œuvre et l’expression de sa volonté. Il resterait encore à examiner si ce grand nombre de juges dont l’histoire offre certains exemples est une garantie pour la justice de Lynch. Comme en droit il ne s’agit pas de reconnaître ce qui plait au plus grand nombre, mais simplement ce qui est juste, les éléments de la décision se trouvent tout entiers dans une seule conscience aussi bien que dans plusieurs. Si donc plusieurs juges doivent être MACHtAVÉHSME’. S’il peut y avoir divergences d’opinion sur Machiavel, on est unanime, grâce au ciel, sur le machiavélisme, que d’ailleurs ce système de politique appartienne réellement, ou n’appartienne pas à celui dont il porte et flétrit le nom. il n’est personne qui ait assez d’impudence ou de cynisme pour oser en faire ouvertement l’apologie. H y aura bien toujours des cœurs pervers pour le pratiquer de propos réfléchi, et des cœnrs faibles pour s’y laisser entraincr par l’intérêt ; mais le respect humain a du moins remporté cette victoire qu’on ne peut parler du machiavéusmc que pour le maudire et le repousser. Des rois, même parmi les moins scrupuleux, ont cru devoir le combattre, et ils ont répudié hautement la solidarité des conseils odieux qui leur étaient donnés. Le grand Frédéric et Voltaire, dans les pures exaltations de leur première amitié, se sont unis pour écraser le F/Mce de Machiavel sous une réprobation éclatante ; et l’on peut voir de quel ton ils le traitent l’un et l’autre a Combien n’est pas déplorable, dit Frédéric, alors prince royal (novembre 1740), la situation des peuples, lorsqu’ils ont tout à craindre de l’abus du pouvoir souverain, lorsque leurs biens sont en proie à l’avarice du prince, leur liberté à ses caprices, leur repos à son ambition, leur sûreté à sa perfidie, et leur vie à ses cruautés C’est là le tableau tragique d’un État où régnerait un prince comme Machiavel prétend le former. o Voltaire, à qui le jeune homme avait fait dès longtemps confidence de son louable projet, l’y encourage et il lui dit (20 mai 1738) < C’était aux Borgia, père et fils, et à tous ces petits princes qui avaient besoin de crimes pour s’élever, d’étudier cette politique infernale. !1 est d’un prince tel que vous de la détester. Cet art, qu’on doit mettre à coté de celui des Locuste et des Brin1. C’est à Bayle (xvn* siècle) qu’on attribue la création de ce mot. M. B.

préférés au juge unique, c’est seulement comme garantie d’indépendance et d’impartialité. Machiavel, nous dit Montesquieu, attribuait laperte de la liberté de Florence à ce que le peuple ne jugeait pas en corps, comme à Rome, les crimes de lèse-majesté Peu sont corrompus parpeu. Comme si la multitude n’avait pas aussi ses défaillances, ses égarenunts et sa corruption t Montesquieu qui n’a pas connu JaJoi de Lynch, mais qui l’aurait réprouvée s’il l’avait connue, n’était pas de l’avis de Machiavel et nous adopterons sa conclusion C’est toujours un inconvénient que le peuple juge lui-même ses

offenses. ËMfLE CHËDiEtr.

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villiers, a pu donner à quelques tyrans une puissance passagère, comme le poison peut procurer un Iiéritage mais il n’a jamais fait ni des grands hommes ni des hommes heureux cela est bien certain. A quoi peut-on parvenir par cette politique affreuse ? Au malheur des autres et au sien même. Voilà les vérités qui sont le catéchisme de votre belle urne. La déûnition du machiavélisme est très-simple, et l’on peut aisément la faire sans la moindre déclamation, tout en chargeant le tableau des couleurs les plus sombres. Le machiavélisme est le sacrifice de tous les principes à un seul, l’intérêt ; la violation de toutes tes lois de la morale immolées au succès. Cette définition, assez innocente, peut sembler au premier coup d’oeil n’être pas tout à fait adéquate au déûni, et l’on ne voit peut-être pas tout d’abord la série des conséquences effroyables qu’elle contient. Mais à y regarder avec soin, on se convaincra que cette simple maxime étant admise comme règle suprême de conduite, il n’y a pas de forfaits, quelque épouvantables qu’ils soient, auxquels elle ne doive mener. Une fois qu’on est sorti des limites de la justice et du devoir, quel motif de s’arrêter sur la pente fatale ? et puisque quelques pas de plus peuvent mener au but si ardemment poursuivi, pourquoi ne pas les faire ? ?U n’y a qu’une seule raison qui en réalité empêche de pousser jusqu’au bout ce renversement de toutes les lois divines et humaines c’est l’impuissance, soit qu’elle vienne des facultés individuelles, soit qu’elle vienne des obstacles extérieurs. N’est pas scélérat qui veut ; et le crime porté à un certain degré est peut-être plus rare encore que la vertu. Seulement dans la voie contre nature où il est engagé, plus il avance, plus il s’égare ; et à mesure qu’il s’étend et se développe, sa monstruosité s’accroît jusqu’à ce qu’il arrive enfln à ces sommets presque inaccessibles où trône, comme modèle accompli dn genre, un César