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< Aucune personne ne sera tenue de répon,dre à une accusation capitale ou infamante, à moins d une .mise en accusation émanant d’un grand jury ; la même personne ne pourra être .soumise deux fois pour le même délit à une procédure qui compromettrait sa vie ou un de ses membres. Dans aucune cause criminelle l’accusé ne pourra être forcé à rendre témoignage contre lui-même et il ne pourra être privé de la vie, de la liberté ou de sa propriété que par suite d’une procédure légate. Dans toute procédure crimineite, l’accusé jouira du droit d’être jugé promptement et pujuiquemeut par un jury impartial de l’État et du district dans lequel le crime aura été commis il sera informé de la nature et du motif de l’accusation ; il sera confronté avec les témoins à charge ; il aura la faculté de faire comparaitre des témoins en sa faveur, et il aura l’assistance d’un conseil pour sa défense. (Co)M~Y«<tOM des ~a<ï-CMt< AmM~emeK~ art.5et6.)

S’il ne s’agissait que de montrer les inconvénients, les dangers, les abus de la loi de Lynch, de ces jugements populaires qui ressemblent bien plus à des voies de fait et à des émeutes qu’à des décisions judiciaires, et qui ne présentent de garanties, ni à la société, ni à l’accusé, il ne serait pas nécessaire de faire de longs discours ; il est évident que le jugement dont nous venons de faire connaître le procédé, n’est pas un jugement véritable ; la raison et l’humanité repoussent un pareil régime. Cependant il peut arriver et, nous le reconnaissons, il arrive généralement que la loi deLynchest très-justement appliquée c’est en effet dans des cas de flagrant délit qu’elle intervient ; le crime est énorme la culpabilité évidente, la conscience humaine révoltée ; le peuple frappe et la peine est juste. Mais si la loi de Lynch donne satisfaction à la justice, à quel principe donc contrevient-elle pour rencontrer une si invincible réprobation ? C’est ce qu’il convient de rechercher.

Aux Etats-Unis, le principe de la souveraineté du peuple écrit en tête de la loi est appliqué daus toute son étendue, et souvent même bien au delà de ses limites légitimes. < Je regarde comme impie et détestable, dit M. de Tocqueville, cette maxime, qu’en matière de gouvernement la majorité d’un peuple a le droit de tout faire, et pourtant je place dans les volontés de la majorité l’origine de tous les pouvoirs, La distinction indiquée par M. de Tocqueville est parfailement juste ; il n’est besoin que de la développer. Sans doute, le souverain institue les tribunaux, de même qu’il il fait la loi ; mais les tribunaux une fois institués, ce n’est pas lui qui règle les procès, c’est le juge ; le souverain ne peut intervenir que pour faire exécuter la sentence. Pourquoi cela ? Rousseau dans le CoH~-a~octo~ en donne une raison qu’il faut noter « Sitôt, dit-il, qu’il s’agit d’un fait ou d’un droit particulier, l’affaire devient contentieuse ; c’est un procès où les particuliers intéressés sont une des parties, et le public l’antre. ll serait ridicule de vouloir alors s’en rapporter à une expresse déeisicm de la volonté générale qui ne peut être que la conclusion de l’une des,parties et qui par consé. quent n’est pour l’autre qu’une volonté étran.gère, particulière, portée en cette occasion à l’injustice et sujette à l’erreur. Ainsi de même qu’une volonté particulière ne peut représenter la volonté générale, la volonté générale à son tour change de nature ayant un objet particulier, et ne peut comme générale prononcer, ni sur un homme, ni sur un fait. (Liv. H, chap. iv.) Rousseau dit ailleurs dans le même sens La condamnation d’un criminel est un acte particulier et n’appartient point au souverain ; c’est un droit qu’il peut conférer, sans pouvoir l’exer.cer lui-même.. (Chap. v.)

Ce n’est pas précisément parce que tout jugement porte sur un fait particulier qu’il n’ap. partient pas au souverain de le prononcer ; c’est parce que le caractère essentiel de la justice est de servir d’arbitre entre les deux parties et de se distinguer de chacune d’elles. La justice doit donc être toujours exercée par dé !egation, soit que cette délégation soit faite au profit d’un seul ou de plusieurs, qu’elle soit perpétuelle ou temporaire. « Dans les États despotiques, dit Montesquieu, le prince peut juger lui-même." Sans doute parce que, le despotisme ne reconnaissant ni loi, ni règle que son caprice, il y aurait coutradicion à ce qu’il se soumit aux lois de la justice. C’est donc là un fait et non un droit. a Dans les monarchies, le prince (et nous pouvons ajouter : dans les républiques, le peuple) est la partie qui poursuit les accusés et les fait punir ou absoudre ; s’U jugeait lui-même, il serait le juge et la partie.’ (Montesquieu, E.s~ des lois ,)

U y a d’ailleurs une autre considération qui nous paraît décisive l’exercice de la souveraineté et l’exercice du pouvoir judiciaire n’ont point le même objet ;l’une exprime des volontés relativement à des actes entre lesquels le choix est libre ; ainsi, faire ou ne pas faire un traité de commerce, faire la paix ou la guerre, organiser une flotte, une armée. La justice au contraire n’est pas un acte de volonté et de libre arbitre ; eilu n’a d’autre objet que de vériûerla conformité d’un fait aux inspirations de la conscience et à la règle du juste et de l’injuste. La souveraineté du peuple, le grand nombre des suffrages n’ont rien à voir à cela, et la volonté de la majorité qui peut faire une loi, ne peut faire qu’un homme soit coupable ou ne le soit pas.

On peut objecter cependant que si la justice doit être exercée par délégation, cette délégation pourra se faire au profit de lafoule ou d’un très-grand nombre de juges, aussi bien que d’un juge unique, et alors quelle différence y aura-t-il entre les Héliastes d’Athènes par exemple et la population d’un village des savaues de l’Amérique réunie pour appliquer la loi de Lynch ? A cela nous répondrons qu’un tribunal composé d’un très-grand nombre de juges peut encore se distinguer du souverain et posséder les caractères d’un véritable tribunal, qu’il peut suivre les règles d’une procë-