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Plus tard, lorsque le grand mouvement religieux du seizième siècle eut amené la scission de la chrétienté européenne en deux communions différentes, des idées plus généreuses et plus larges ne tardèrent pas à se répandre. D’une part, il se trouva que ce qui était hérésie aux yeux des catholiques était souvent, au dire des prolestants, la vérité même, et réciproquement de l’autre, le grand mouvement philosophique et littéraire, qui gagnait chaque jour en importance, conduisait a considérer toutes choses comme moins certaines qu’on ne l’avait cru dans le passé ; plus les croyances se diversifiaient, plus la notion d hérésie allait en s’affaiblissant ; on reconnaissait qu’une part de

vérité se retrouve en toute erreur ; qu’une part d’erreur se glisse en toute vérité, et que l’erreur même la plus persi.-tante n’entralne pas nécessairement un degré quelconque de culpabilité. Aujourd’hui ces idées ont fait leur chemin : il est bien peu d’esprits élevés qui ne réclament la pleine indépendance de la pensée et ne reconnaissent à tout homme le droit d’adopter, en religion comme en philosophie, les opinions qui répondent à ses besoins intellectuels et moraux, ce qui revient à dire, qu’en droit, il n’y a pas d hérétiques et que l’idée d’hérésie est fausse en soi. Le catholicisme, il est vrai, maintient encore son ancien point de vue ; mais il n’a plus, heureusement, les moyëES de poursuivre et de faire condamner en ce monde, ceux qu’il regarde comme hérétiques. Les Églises protestantes au contraire renoncent chaque jour à leurs anciennes confessions de foi, et, leurs dogmes n’étant plus officiellement constatés, il devient de plus en plus difficile de reconnaitre qui s’en écarte ou les conserve, qui, parmi leurs membres, est ou non hérétique. Cependant lËglise anglicane, qui maintient encore ses XXXIX articles, a vu, depuis quelques années, divers membres de son clergé dénoncés et poursuivis devant les tribunaux pour cause d’hérésie ; mais l’extrème défaveur avec laquelle de semblables procès sont accueillis par le public, montre bien qu’ils ne sauraient se renouveler longtemps. Nous ne pouvons indiquer ici quelle était ou quelle est encore. dans les diverses Églises chrétiennes, la manière de procéder contre les hérétiques, ni même dresser la liste des nombreuses hérésies dont l’histoire a conservé le souvenir. Chaque siècle eut les siemes, et c’est peine si l’on peut signaler un moment, à l’époque de profondes ténèbres qui suivit la destruction de l’empire de Charlemagne, où les historiens n’en signalent aucune ; en fait, dès que les hommes pensent, il arrive à quelquesuns d’entre eux de s’écarter des idées reçues, et, comme ils s’attachent à leurs opinions avec d’autant plus de force qu’elles sont nées de leurs propres réBexions, leurs croyances deviennent aisément des hérésies. La liste des hérésies est d’autant plus longue que les dogmes ayant constamment varié, s’étant constamment développés, telle croyance qui au débat n’avait pas été condamnée, est devenue par la suite une hérésie, et c’est ainsi qu’un Origéne, tegardé à bon droit par ses contemporains comme une des lumières de l’Église, a été plus tard condamné comme hérétique. Cependant cette infinie variété est moins réelle au fond qu’en apparence, et l’on peut ramener à quelques types principaux toutes les hérésies diverses, Nous citerons comme exemple l’ariaKMMe, sous le nom duquel on peut comprendre toutes les doctrines qui, aux divers âges de l’Eglise, ont conçu d’une manière moins absolue que le dogme orthodoxe la divinité du Sauveur, et le p<X<MytMMme~ dont la tendance, qui s’est très fréquemment reproduite, est d’affaiblir la notion du péché.

Depuis Constantin jusqu’à la Réformation, l’Église et 1 État, la politique et la religion, ont été constamment méiaugés au sein de la société chrétienne, et il n’est pas toujours aisé de démêler la part d’influence qui, dans les événements de ces siècles agités, revient aux idées religieuses. Il est cependant incontestable que certaines hérésies ont eu des conséquences politiques importantes. Ainsi la question de savoir si le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ou seulement du Père a été pour quoique chose dans le schisme qui a séparé l’Eglise grecque de 1 Ëgii~e latine. Les Grecs maintenaient une sorte d’inégatité entre les deux premières personnes de la Trinité, en faisant procéder le Saint-Esprit du Père seul. Les Latins, jaloux de compléter le dogme trinitaire, soutenaient que le Saint-Esprit procède du Fils comme du Père, et ajoutaient au symbole ces mots : Filioque ; leur opinion fut condamnée comme hérétique par Photins, patriarche de Constantinople, et la rupture des deux Églises, à laquelle, il est vrai, bien d’autres causes coucoururent, resta définitive.

Déjà avant cette époque ieshérésies ariennes, dont ces discussions furent en Orient le dernier écho, avaient exercé en divers pays une in uuence remarquable. Non-seulement l’aria.nisme, avant de subir une défaite dernière, avait eu ses jours de victoire, de telle façon que son histoire es~ mêlée à toutes les révolutions et les intrigues 1u Bas-Empire jusqu’à Théodose ; mais ce fut sous la forme arienne que presque tous les peupJM germaniques, collectivement désignés sous le nom de Barbares, reçurent le christianisme en même temps qu’ils détruisaient l’empire. d’Occident. Il fallut à la cour de Rome, au clergé catbolique, de longs efforts pour chasser i’hérésie des camps de ces rudes guerriers. Pour y réussir, tout fut mis en œuvre, et c’est à une circonstance de ce genre que la monarchie française doit en quelque façon son origine. Les Francs étaient encore païens lorsque, après beaucoup d’autres, ils passèrent le Rhin..Les Bnrgondes, les Visigoths qui les avaient précédés et commencaient à fonder en Gaule des établissements axes, professaient l’arianisme. Clovis, en demandant le baptême eut l’habileté de se faire catholique ; dès lors tout l’appui Ja clergé gaulois, qui déjà l’avait vu d’un bo~ (iEil avant sa conversion, l’appui même de tome