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soumis, dans le Japon, à l’odieuse obligation imposée à tous les étrangers de cracher sur le crucifix et de le fouler aux pieds Faire des conquêtes, n’importe par quel moyen, tel était leur mot d’ordre, et la chrétienté les vit tolérer chez leurs prétendus convertis une multitude de rites païens bien difficiles à concilier avec le monothéisme chrétien. Le gouverneur de Pondichéry, Hébert, fut obligé de protester contre leur indulgence excessive à cet égard ; etia papauté elle-même s’en émut. Clément XI ! et Benolt XIV intervinrent par des brefs qui étaient des condamnations implicites de la compagnie. Celle-ci résista encore par des équivoques et il fallut que le saint-siége fit signifier ]e 1" octobre t739 au général des Jésuites d’avoir à se conformer rigoureusement, lui et ses missionnaires, au décret du 24 août 1735,~sur les rites malabares.

La plus célèbre mission de la compagnie est celle du Paraguay. Ses apôtres avaient trouvé là sous leurs mains une population molle, naïve. sensuelle, qu’ils surent comprendre et dont ils se firent aimer. Avec son appui, ils mirent en campagne une armée de quatre mille sauvages, chassèrent de l’Assomption l’évêquegouverneur de cette ville, vainement soutenu par le roi d’Espagne et par le pape (1649), et s’emparèrent ainsi de la double souveraineté spirituelle et temporelle. Une fois maîtres du Paraguay, ils y établirent une sorte de communisme théocratique. Les indigènes, qui se contentaient de peu, venaient régulièrement apporter chaque semaine aux pieds du bon Père placé à la tête de chaque rfHKc~t’oM, le produit de leur travail, ou la poudre d’or, ou l’herbe du Paraguay le bon Père bénissait et emmagasinait. Il se mêlait aussi beaucoup de mariages. Bref, il y a plus d’un rapport entre le système politique que les Jésuites ont intronisé au Paraguay et celui que rêvèrent plus tarddessaint-simoniens. Seulement les Jésuites étaient contenus un peu par la morale évangélique qu’ils ne pouvaient entièrement nier. Ils maintinrent une certaine naïveté de mœurs qui ressemble de loin à l’innocence. Aussi les populations qui s’étaient confiées à leur garde arrivèrent à l’heure de l’indépendance sans être trop dégradées. Le titre d’honneur des Jésuites au Paraguay, c’est qu’ils ont su y former des peuples qui les en ont chassés. Que si l’on considère l’ensemble des missions entreprises par la compagnie, il est impossible de tout y approuver, mais il est impossible aussi de méconnaltre la grandeur de son plan, la savante organisationde ses moyens et même ses vues tolérantes sur les idées religieuses des peuples mndèles. Elle n’a pas beaucoup le sens chrétien, elle a un certain degré de sentiment civilisateur. C’est surtout en Chine qu’elle le déploie, mais partout elle voit en beau les erreurs de la nature humaine, partout elle est semi-pélagienne. C’était peutêtre un progrès pour des missionnaires. Au 1. 1. roy. l’abbé GaeaMc HMtOtfe dM~’MXt~t. Il met ce point historique en pleine lumière. contraire, le rôle de la même compagnie en Europe fut profondément et exclusivement funeste, par la raison très-simple qu’une armée permanente peut être quelquefois util" quand on l’emploie à i’extérieur, mais reste très-nuisible quand on l’emploie à l’intérieur, c’està-dire contre les citoyens eux-mêmes.

Un premier caractère distingue les Jésuites des Franciscains et des Dominicains ces deux derniers ordres se préoccupent surtout d’une propagande d’idées ; ils ont des philosophes, des théoiogiens originaux ; ce n’est qu’accidentellement qu’ils se mêlent aux affaires du monde. Au contraire la théologie et la philosophie des Jésuites sont à peu près nulles ; mais nous trouvons la compagnie jetée, durant les seizième, dix-septième et dix-huitième siècles, dans toutes les intrigues de cour, dans tous les incidents de la politique, et nous ne parlons pas ici de la grande politique, mais de cette sombre et ardente mêiéc où toutes les ambitions misérables etimpures se donnent carrière. Les deux seuls théologiens un peu notables de la compagnie sont Bellarmin et Suarez. Or, Bellarmin n’est pas à proprement parler un docteur, il n’a pas de théories désintéressées, c’est un avocat des prétentions pontiilcales, avocat habile, érudit, circonspect, mais sans valeur scientifique. Suarez est supérieur à Bellarmin. Il a la puissance d’analyser et de comprendre, sinon celle d’innover. Mais il se borne, vis-à-vis de la science et de la philosophie nouvelles, à tenter une oeuvre de pacification et d’éclectisme entre les diverses écoles de la vieille philosophie ou de la scolastique. Ses ouvrages sont aujourd’hui encore trèsintéressants pour l’historien du moyen âge ;

ils renferment avant la solution proposée par l’auteur un historique complet ou presque complet des sotutionsproposéespar ses devanciers, notamment par les Thomistes et parles Scotistes. Mais comme Suarez veut convaincre ses disciples qu’au fond Thomistes et Scotistes sont d’accord, il est obligé de se livrer aux commentaires les plus bizarres et les plus subtils ; il efface pour ainsi dire les nuances particulières et caractéristiques des doctrines qu’il veut concilier à tout prix. Dans tous les cas, lui aussi, n’est pas un chercheur désintéressé de la vérité, c’est un politique qui soutient une thèse choisie par lui dans un but manifeste. Son système hybride peut s’appeler un Thomisme Mo~’M~ C’est la théologie morale qui a principalement occupé la compagnie, car elle se proposait de conquérir le monde en s’emparant de la conscience humaine et surtout de la conscience des ministres, des princes et des grands. Cette théologie morale entre ses mains est devenue une casuistique qui a été l’objet de longues et ardentes discussions. Tout le monde eonnaities Lettres provinciales et les citations plus qu’étranges qu’elles renferment. Senlement, on s’est demandé si Pascal n’avait pas été porté par sa haine contre les Jésuites à altérer, à envenimer les textes un peu équivoques de ses adversaires. Comment concevoir, s’écrie-t-on, que des religieux aient osé publi-