Page:Block - Dictionnaire de l’administration française, tome 1.djvu/563

Cette page n’a pas encore été corrigée
547
CONFLIT, 81-84

ses attributions ; il y aurait, à tous égards, les mêmes raisons.

ART. 3. RÈGLES DE LA COMPÉTENCE TERRITORIALE DES PRÉFETS.

81. En principe, d’abord, et sauf les cas particuliers que nous aurons à indiquer, le conflit ne peut être élevé que par le préfet du département dans la circonscription duquel est situé le tribunal saisi du litige. Ainsi, dans un procès engagé devant le tribunal civil de Nevers, entre le concessionnaire du pont de Fourchambaud et le sieur Laliberté, entrepreneur des travaux de la route départementale de La Chapelle-d’Anguillon (Cher) à Nevers, ce- dernier crut devoir appeler en garantie le préfet du Cher, qui, à son tour, éleva le conflit. Mais ce conflit a été annulé par une décision du 14 avril 1839, ainsi conçue :

« Considérant que l’arrêté par lequel le préfet élève le conflit est un acte des fonctions qu’il exerce comme représentant l’autorité publique, et que dès lors le préfet ne peut élever le conflit que dans les affaires portées devant les tribunaux du département où il remplit ces fonctions, considérant que, dans l’espèce, la contestation, à l’occasion de laquelle a été élevé le conflit ci-dessus visé, est pendante devant le tribunal de Nevers, département de la Nièvre ; qu’il n’appartient qu’au préfet de la Nièvre, soit de proposer le déclinatoire, soit d’élever le conflit, d’où il suit que l’arrêté du préfet du Cher a été incompétemment pris :

« Art. 1er . L’arrêté de conflit ci-dessus visé est annulé, etc. »

Il a de même été jugé que le préfet du département dans lequel sont situés les biens litigieux n’est pas fondé à exciper de cette circonstance pour élever le conflit ce droit n’appartient qu’au préfet du département dans lequel siége le tribunal saisi. (17 août 1841 28 jviU. 1864.)

Dans une autre espèce, le tribunal de Gray (Haute-Saône), saisi d’un litige entre la commune de Cussey et celle d’Étuz, s’était déclaré incompétent pour en connaître mais, sur l’appel, la cour de Besançon avait réformé ce jugement, et avait renvoyé la cause et les parties devant le tribunal de Besançon (Doubs). Le préfet de la Haute-SaOne intervint alors devant ce dernier tribunal pour proposer le déclinatoire et élever ensuite le conflit mais ce conflit a été également annulé. (12 août 1854.)

Nous citerons enfin un dernier arrêt rendu dans des circonstances qui auraient pu soulever un doute sérieux. Il s’agissait, au fond, d’une action intentée contre la compagnie du canal de l’Ourcq, à raison de travaux par elle exécutés dans le département de l’Aisne en vertu d’ordres du préfet de la Seine. Certes, on aurait pu dire que ce préfet, exceptionnellement investi, pour ce canal, d’attributions extraterritoriales, avait qualité pour élever le conflit dans les affaires qui s rattachaient. Cependant, même dans ce cas, le Conseil d’État a appliqué la règle générale. (27 mai 1861.)

82. Cette jurisprudence doit-elle être suivie dans les cas et surtout dans tous les cas d’appel ? À cet égard une fausse interprétation de la décision ci-dessus citée du 14 avril 1839 avait d’abord fait penser que le déclinatoire devait être proposé et le conflit élevé par le préfet du département où siège la cour d’appel. Ainsi, dans une affaire pendante devant la cour de Douai, sur l’appel d’un jugement du tribunal de Saint-Pol, l’administration des domaines avait, en 1840, invité le préfet du Pas-de-Calais à s’abstenir de donner suite au déclinatoire qu’il avait déjà proposé et avait chargé le préfet du Nord d’élever le conflit. Mais ce conflit a été annulé dans les termes suivants (.20 août 1840) :

« Considérant que le préfet compétent pour proposer le déclinatoire et élever le conflit devant lés tribunaux compris dans la circonscription de son département, l’est seul aussi pour faire ces actes devant la cour royale où les affaires qu’it veut revendiquer sont portées par la voie d’appel qu’ainsi, dans l’espèce, le préfet du département du Nord n’avait pas qualité pour proposer le déclinatoire et élever le conflit dans l’affaire portée devant la cour royale de Douai, etc. »

Une autre décision, du 27 mai 1848, a confirmé cette jurisprudence, à laquelle s’est également associé le Tribunal actuel des conflits. (1er  févr. 1873.)

83. Faut-il à cet égard établir une distinction entre le cas où le conflit avait été déjà élevé en première instance, et le cas où il est élevé pour la première fois en appel, soit que le préfet eût négligé de l’élever en première instance, soit qu il n’eût pas pu l’élever, parce que le procès avait été porté au premier degré devant un juge de paix ou un tribunal de commerce (n°s 41 et 42) ? Faut-il, dans la seconde de ces hypothèses, décider que le conflit peut et doit être élevé par le préfet du département où siège la juridiction d’appel ? Cette opinion, enseignée par M. Dalloz (Vo CONFLIT, n° 36) et par M. Simignt (2e édit., t. Ier n° 190), se fonde sur ce que, s’il est juridique et rationnel, au cas contraire, de laisser la suite de l’affaire au préfet qui l’a commencée, cette raison disparait lorsqu’il n’y a pas eu de revendication en première instance, et qu’il faut alors revenir à la règle du pouvoir juridictionnel de circonscription. Mais c’est faire une fausse application du principe que l’on invoque l’appel ne change rien aux règles de la juridiction et de la compétence territoriale le litige qu’il soumet à de nouveaux juges ne cesse pas de se rattacher, par son origine, au département dans lequel il a pris naissance enfin, même au point de vue purement administratif, le préfet de ce département, encore bien qu’il ne soit pas intervenu en première instance, connaltra toujours mieux les circonstances de l’affaire que son collègue du chef-lieu de la cour, et il pourra, mieux que tout autre, apprécier convenablement la question de savoir s’il y a a. lieu d’élever le conflit. Ainsi l’a jugé le Conseil d’Etat (15 mai 1858) dans une affaire où le préfet de la Seine avait cru pouvoir et devoir élever le conflit sur l’appel d’un jugement du tribunal de commerce d’Épernay.

84. Il doit en être de même dans le cas d’appel après cassation même alors, le droit d’élever le conflit doit être exclusivement dévolu au préfet du département dans la circonscription duquel était situé le tribunal de première instance saisi du litige. Quelle est, en effet, la conséquence de