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CONFLIT, 19-21

Sect. 2. Des conditions générales de l’existence du conflit positif.

19. Ainsi qu’on vient de le voir, le conflit por.itîfne constitue pas un moyen général de maintenir

iH toutes matières, entre toutes autorités, l’ordre

constitutionnel descompétences et des juridictions ; il constitue seulement un moyen spécial de maintenir cet ordre entre l’autorité administrative et l’autorité judiciaire, et même il n’est qu’une arme remise à la première de ces autorités pour se défendre contre les empiétements possibles de la seconde. Il suit de là que la première de toutes les conditions de l’existence de ce conflit, c’est quil’y ait effectivement contestation, lutte, entre le pouvoir judiciaire et l’administration, et que celle-ci ait à revendiquer pour elle-même une de ses prérogatives, une de ses attributions légales, dont celle-là prétendait se saisir ou refuserait de se dessaisir.

L’incompétence même de l’autorité judiciaire ne suffit pas pour justifier le conflit, si à cette incompétence ne correspond pas la compétence de l’autorité administrative[1]. Ce point de départ n’est pas controversé ; néanmoins il importe de le mettre en relief, et rien n’en prouve mieux l’exactitude que la rédaction même des décisions sur les conflits. Toutes les fois, en effet, qu’un conflit n’est pas confirmé ou annulé intégralement, toutes les fois qu’un partage est à faire entre les questions diverses que peut englober un arrêté de conflit, il y est statué dans les termes suivants « L’arrêté de conflit. est confirmé en tant qu’il revendique POUR L’AUTORITÉ administhative, etc. »

20. Si donc, par exemple, une difficulté s’élève dans le sein de l’administration elle-méme, entre deux agents ou corps administratifs, sur la question de savoir quel est celui d’entre eux qui est légalement investi de la connaissance de telle affaire déterminée, ce n’est pas par la voie du conflit que cette question peut et doit être tranchée : le supérieur hiérarchique y pourvoira, et ce supérieur sera, selon les cas, ou le ministre duquel relèveraient également les deux corps ou agents, ou le chef de l’État, conformément à la règle écrite dans la loi ci-dessus citée des 7-14 octobre 1790.

Le Conseil d’État n’a pas eu souvent l’occasion d’appliquer cette première conséquence du principe que nous venons de poser, et qui dérive de la nature même du conflit. On en peut trouver cependant deux exemples dans deux décisions des 6 septembre 1820 et 24 mars 1832, portant annulation de conflits élevés dans des espèces où le préfet, croyant que le conseil de préfecture était sorti des limites de sa compétence, avait imaginé de prendre la voie du conflit.

Il a eu plus souvent à redresser la même erreur à l’égard des jurys de révision de la garde nationale, qui étaient assurément des juridictions, mais des juridictions administratives, tandis que certains préfets les considéraient comme étant des juridictions judiciaires, dont les décisions leur paraissaient, à ce titre, pouvoir être attaquées par la voie du conflit. (Ï5 juill., 24 août, 16 nov. 1832, etc.)

21. Réciproquement, l’administration n’aurait point à intervenir, du moins par la voie du conflit, pour revendiquer au profit de telle ou telle autorité judiciaire la compétence qu’usurperait une autre autorité du même ordre, quelle que put être d’ailleurs la nature ou la gravité de l’intérêt adminis-


    celles du ministère public ne pourront être remplies par deux membres pris dans le même corps. »

    Nous reproduisons également les deux premiers chapitres du règlement du 26 octobre 1849 :

    Chap. Ier. — Dispositions générales.
    « Art. 1er, Le Tribunal des conflits se réunit sur la convocation du ministre de la justice, son président. « Art. 2. En cas d’empêchement, les membres du Tribunal des conflits sont remplacés par des suppléants, etc. « Art. 3. Les fonctions du ministère public devant le Tribunal des conflits sont remplies par deux commissaires du Gouvernement, pris dans le ministère public du Conseil d’État et de la Cour de cassation. Ils sont désignés chaque année par le président de la République. « Art. 4. Les avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation peuvent être chargés par les parties intéressées de présenter devant le Tribunal des conflits des mémoires et des observations. « Art. 5. Un secrétaire nommé par le ministre de la justice est attaché au Tribunal des conflits. « Art. 6. Les rapporteurs sont désignés par le ministre de la justice, immédiatement après l’enregistrement des pièces, ait secrétariat du tribunal. « Art. 7. Les rapports sont faits par écrit ; ils sont déposés par le rapporteur au secrétariat pour être transmis à celui des commissaires du Gouvernement que le ministre de la justice désigne pour chaque affaire. « Art. 8. Le rapport est In en séance publique : immédiatement après le rapport, les avocats des parties peuvent présenter des observations orales. Le commissaire du Gouvernement est ensuite entendu dans ses conclusions. « Art. 9. Les décisions du Tribunal des conflits portent en tête la mention suivante Au nom du peuple français, le Tribunal des conflits. Elles contiennent les noms et conclusions des parties, s’il y a lieu, le vu des pièces principales et des dispositions législatives dont elles font l’application. Elles sont motivées. Les noms des membres qui ont concouru à la décision y sont mentionnés. La minute est signée par le président, le rapporteur et le secrétaire. L’expédition des décisions est délivrée aux parties intéressées pai le secrétaire du Tribunal. Le ministre de la justice fait transmettre administrativement aux ministres expédition des décisions dont l’exécution rentre dans leurs attributions. « Art. 10. Les décisions du Tribunal des conflits ne sont pas susceptibles d’opposition. « Art. 11. Sont applicables au Tribunal des conflits les art. 88 et suivants du Code de procédure civile sur la police des audiences. Chap. II. — Dispositions relatives aux conflits d’attributions positifs. « Art. 12. Les arrêtés de conflit et les pièces continuent d’être transmis au ministre de la justice par les procureurs de la République et les procureurs généraux, conformément à l’art. i4 de l’ordonnance du 1er juin 1828 et à l’art, 6 de l’ordonnance dit 12 mars 183 ! ils sont enregistrés immédiatement au secrétariat duTribunal des conflits. Dans les cinq jours de l’arrivée, les arrêtés de conflit et les pièces sont communiqués au ministre dans les attributions duquel se trouve placé le service auquel se rapporte le conflit. La date de la communication est consignée sur un registre à ce destiné. Dans la quinzaine, le ministre doit fournir les observations et les documents qu’il juge convenables sur la question de compétence. Dans tous les cas, les pièces seront rétablies au secrétariat du Tribunal des conflits dans le délai précité. « Art. 13. Les avocats des parties peuvent être autorisés à prendre communication des pièces au secrétariat sans déplacement. « Art. 14. Dans les vingt jours qui suivent la rentrée des pièces, le rapporteur fait au secrétariat le dépôt de son rapport et des pièces. « Art. 15. Il est statué par le Tribunal des conflits, dans les délais fixés par l’art. 7 de l’ordonnance du t2 mars 1831 et l’art. 15 de l’arrêté du 30 décembre 1848. Ces délais sont suspendus pendant les mois de septembre et octobre. « Art. 16. Lorsque la décision a été rendue, le ministre de ]a justice ponrroit à la notification prescrite par l’art. 7 de l’ordonnance du 12 mars 1831, et par l’art. 16 de l’arrêté du 30 décembre 1848. »

  1. L’art. 9 de l’ordonnance de 1828 porte que l’arrêté par lequel le préfet élèvera le conflit revendiquera la cause. Il ne suffit donc pas d’alléguer que l’autorité judiciaire n’est pas compétente il faut avoir a revendiquer la question pour l’autorité administrative. Nous disons, du reste, l’autorité et non pas seulement la juridiction.