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CASIER JUDICIAIRE, 10-16.

10. La délivrance des renseignements contenus dans les casiers judiciaires à d’autres qu’aux autorités judiciaires on administratives ne peut jamais avoir lieu qu’avec l’autorisation du ministère public. Les bulletins recueillis au casier ne sont, en effet, pour la plupart, que des extraits de procédures criminelles, et il appartient au ministère public seul d’examiner dans quel cas ils peuvent, sans inconvénient, être livrés à la publicité.

À l’égard des bulletins délivrés aux particuliers, on s’est souvent demandé dans quel esprit devait s’entendre la communication à leur faire des renseignements contenus dans les casiers judiciaires. La pensée du ministre, fondateur de cette institution,a été que la publicité était la règle et que la communication devait être accordée chaque fois que le ministère public reconnaissait que la demande s’appuyait sur des motifs sérieux et légitimes. Il est évident qu’il s’agit ici du cas de la demande du bulletin d’une personne par une autre, car lorsqu’on demande son propre bulletin, le ministère public n’a aucun examen à faire du but de la demande, il n’a qu’à vérifier l’identité.

11. Si la personne que l’extrait demandé concerne est née en France, en Corse ou en Algérie, on s’adresse au procureur de la République ou au greffier du tribunal de l’arrondissement d’origine. Si elle est née aux colonies ou à l’étranger, ou si sa naissance n’est pas constatée aux registres de l’état civil, c’est au garde des sceaux qu’il faut transmettre sa demande.

La demande d’un extrait du casier judiciaire n’a pas besoin d’être faite sur papier timbré.

12. Sur les extraits délivrés au ministère public, on relève les indications de tous les bulletins n° 1 classés dans les casiers d’arrondissement ou dans le casier central ; mais sur ceux qui sont demandés par les particuliers ou parles administrations publiques on ne fait pas mention des applications de l’art. 66 du Code pénal, c’est-à-dire des envois en correction après acquittement faute de discernement. Le classement des décisions de cette nature dans les casiers judiciaires a pour but de permettre à l’administration d’étudier la récidive dans ses rapports avec le régime pénitentiaire ; mais comme en réalité il n’y a pas condamnation, il est formellement interdit de les relever sur les bulletins n° 2 qui ne sont pas demandés par le ministère public.

13. Les bulletins n° 2 délivrés aux particuliers sont soumis aux droits de timbre et d’enregistrement comme actes judiciaires non dénommés. Voici, du reste, dans l’état actuel des lois de finances, leur coût total qui peut être joint à la demande soit par un mandat sur la poste, soit en timbres-poste.

TABLE Droits de recherche et de rédaction »f75c Droits d’inscription au répertoire » 25 Droits de timbre » 60 Droits d’enregistrement 1 90 3f50c

En dehors de cette somme, il ne doit être perçu que les droits de poste. Il n’y a qu’une exception à ce principe. Par suite d’un accord survenu entre les ministres de la justice, de la guerre, de la marine et des finances et par des considérations d’intérêt public, les extraits délivrés en vue d’engagements volontaires contractés pour cinq ans dans l’armée de terre et de mer (art. 46 de la loi du 27 juillet 1872) sont affranchis des formalités du timbre et de l’enregistrement. (Circ. 30 décembre 1873.)

14. Les extraits des casiers judiciaires sont toujours délivrés par le ministère publie et dans le plus bref délai possible ; les demandes ne restent jamais plus de 48 heures sans réponse.

15. Vérification mensuelle des casiers. — L’institution des casiers judiciaires est, en raison de son importance, l’objet d’une constante sollicitude de la part de l’administration. Ainsi, tous les mois le greffier dresse un procès-verbal constatant le nombre des bulletins qu’il a rédigés, transmis, classés, délivrés et extraits. Ce procès-verbal est visé par le procureur de la République qui y indique la manière dont le casier est tenu. Il est ensuite communiqué au procureur général qui fait ses observations et vise. Les 12 procès-verbaux mensuels de chaque arrondissement sont récapitulés à la fin de l’année et leurs énonciations consignées sur le compte annuel destiné à la chancellerie. Cette vérification à trois degrés a suggéré de nombreuses modifications qui ont eu pour effet de faciliter les recherches et de simplifier le travail. Pour éviter l’encombrement des casiers, les bulletins des octogénaires et ceux des condamnés décédés dans les établissements pénitentiaires sont périodiquement extraits.

chap. ii. — du casier judiciaire au point de vue international.

16. L’utilité des casiers judiciaires n’a plus besoin d’être démontrée, elle est constatée chaque jour par l’expérience. Comme le disait le ministre de la justice dans sa circulaire du 6 novembre 1850 : « Cette institution est un digne et noble encouragement pour les hommes de bien, un salutaire avertissement pour ceux que leur conscience ne retient pas suffisamment dans la voie du devoir et un terrible châtiment pour le coupable qui cherchera vainement à échapper à la réprobation qui doit le frapper[1] ». Les bienfaits que retire des casiers judiciaires l’administration française ont appelé l’attention des jurisconsultes et des moralistes étrangers ainsi que celle des gouvernements. Plusieurs pays jouissent déjà du système des casiers judiciaires ; dans d’autres on recherche les moyens de l’appliquer sans nuire aux principes de la législation. Ceux qui possèdent des casiers ou une institution analogue ont, par des conventions diplomatiques, demandé l’échange avec la France des bulletins relatant des condamnations prononcées contre les nationaux respectifs. Les pays avec lesquels existe actuellement cette réciprocité sont l’Autriche, la Bavière, le grand-duché de Bade, la Belgique, l’Italie et l’empire d’Allemagne pour l’Alsace-Lorraine. Il est à désirer que ces relations internationales se multiplient dans l’intérêt de la sécurité générale.

E. Yvernès.
  1. Ajoutons : Mais le casier judiciaire peut aussi être un obstacle sur la voie d’un condamné désirant commencer une vie nouvelle. Le casier est très-utile, sans aucun doute, mais il n’y a pas de médaille sans revers et il dépend de la prudence et de la discrétion des 370 greffiers de France et d’Algérie que les inconvénients ne l’emportent sur les avantages. M. B.