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ALIÉNÉS, 116-124.

faits qui, sans attenter directement à la liberté individuelle, peuvent cependant la mettre en péril, ou qui sont de nature à compromettre la guérison, le bien-être, les intérêts des aliénés (art. 41).

116. Parmi ces faits, les uns ne peuvent être commis que par des chefs d’établissements.

Ce sont :

1o L’ouverture ou la direction sans autorisation d’un asile d’aliénés, ou la réception sans autorisation, hors les cas d’usage, d’un aliéné dans une maison de santé consacrée à d’autres malades (art. 5).

2o La réception d’un aliéné placé volontairement, sans l’accomplissement de toutes les formalités qui doivent accompagner le placement et que prescrit l’art. 8.

3o L’omission de l’avis de la sortie qui doit être donné au préfet (art. 15).

4o La remise du mineur et de l’interdit à des personnes autres que celles désignées par la loi (art. 17).

117. Les autres faits peuvent être, suivant les cas, à la charge, soit du directeur, soit du médecin, ou à la fois de l’un et de l’autre.

Ce sont :

1o Le défaut d’envoi ou l’irrégularité du bulletin d’entrée et d’un certificat du médecin de l’établissement (art. 8) ; du nouveau certificat de médecin qui doit être dressé quinze jours après l’entrée (art. 11) ; de l’un des rapports semestriels prescrits par l’art. 20.

2o L’absence des registres prescrits par les art. 12 et 18 ; les irrégularités, les omissions dans la tenue de ces registres, et les mentions qui doivent y être faites ; le refus de les présenter aux personnes chargées de l’inspection.

3o Le fait d’avoir intercepté ou retenu quelqu’une des réclamations des aliénés (art. 29).

4o L’infraction aux règlements d’administration publique faits, en exécution de l’art. 6, à l’égard des asiles privés.

118. Les peines encourues, à raison de ces infractions, sont celles d’un emprisonnement de cinq jours à un an, et d’une amende de 50 fr. à 3,000 fr.

Le juge peut, même en dehors du cas de circonstances atténuantes, prononcer séparément l’une ou l’autre de ces peines.

L’art. 463 du Code pénal peut, du reste, toujours être appliqué.

CHAP. III. — DISPOSITIONS D’ASSISTANCE PUBLIQUE.

119. Il y a nécessité de pourvoir à l’entretien, au bien-être physique et à la guérison, si elle est possible, des aliénés dangereux dont la société s’empare dans un intérêt de sûreté publique et dont elle prend dès lors la responsabilité et la charge.

120. Ces secours publics, reconnus indispensables, devaient-ils être mis à la charge des communes ou à la charge des départements ? Le soulagement des pauvres est, en général, la charge particulière de la commune ; les circonstances locales, telles que l’agglomération plus ou moins grande de la population, le développement plus ou moins étendu de l’industrie, de la civilisation et du luxe, les agitations, les excès et les désordres du milieu social où les individus sont plongés, exercent une notable influence sur le nombre des cas de folie. N’était-ce pas une raison pour faire de la dépense des aliénés une charge municipale ?

121. Mais il fallait reconnaître que l’entretien même d’un seul aliéné dépasserait les forces, absorberait souvent les revenus entiers de certaines communes. Que serait-ce si, comme il pourrait arriver, deux ou trois cas de folie s’y produisaient à des intervalles rapprochés ?

De plus, la séquestration des aliénés dangereux a le caractère d’un service public accompli dans l’intérêt général de la sécurité sociale, d’un service analogue à beaucoup de ceux qui sont rangés au nombre des dépenses ordinaires des départements.

122. En présence de ces diverses considérations, la loi de 1838 avait chargé les départements du service de l’assistance publique donnée aux aliénés, et en avait placé les dépenses à la première section de leur budget ; mais en même temps, par une combinaison analogue à celle qui assurait le service des enfants trouvés, elle avait imposé aux communes l’obligation de concourir à ces dépenses avec le département (art. 28, 1er alinéa).

Les lois du 18 juillet 1866 et du 10 août 1871, en supprimant de la catégorie des dépenses obligatoires départementales celles qui concernent le service des aliénés, et en conférant au conseil général le droit de régler le budget des asiles départementaux, ont modifié le système institué par la loi de 1838. (L. 1866, art. 10 et 11 ; L. 1871, art. 60, 61, 46, nos 17 et 20.)

Mais nous devons faire, dès à présent, remarquer que les nouvelles attributions conférées aux assemblées départementales, en ce qui touche les aliénés, sont exclusivement financières et n’altèrent en rien celles que la loi du 10 juin 1838 confère à l’autorité publique. (Circ. Int. 4 août 1866, 8 oct. 1871.)

Ajoutons que si les dépenses de ce service ne sont plus légalement obligatoires, aucun conseil général n’a songé, depuis 1866, à en contester le caractère départemental, et que ces assemblées inscrivent annuellement à leur budget des crédits considérables pour assurer le fonctionnement et le progrès de cette branche de l’assistance publique.

Sect. 1. — Assistance donnée par le département.

123. Aux termes de l’art. 1er de la loi de 1838, chaque département était tenu d’avoir un établissement public, spécialement destiné à recevoir et soigner les aliénés, ou de traiter à cet effet avec un établissement public ou privé, soit de ce département, soit d’un autre département.

124. Les traités passés avec les établissements publics ou privés sont soumis à l’approbation du conseil général qui statue définitivement. (L. 1871, art. 46, no 17.)

Les difficultés auxquelles l’exécution de ces traités donnerait lieu nous paraissent appartenir à la juridiction administrative. C’est ce qu’a décidé un arrêt du Conseil d’État, rendu sur conflit le 11 juillet 1845, qui, il est vrai, n’a statué qu’au sujet des contestations auxquelles donnait lieu un traité passé par le département d’Ille-et-Vilaine avec un asile public, dont les hospices de Rennes avaient la propriété. (Les hospices et la ville de Rennes contre l’État et le département d’Ille-et-Vilaine.)