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cipe d’autorité, pour peu qu’on l’atteigne dans sa forme la plus respectée, dans son représentant le plus auguste ; et tout Luther religieux appelle invinciblement un Luther politique.

C’est ce qu’on ne tarda pas à comprendre en Allemagne. Luther n’était pas allé encore, dans ses attaques, au delà de la question des indulgences, que déjà il s’était répandu autour de lui un frémissement inaccoutumé. Plusieurs pressentaient des agitations mortelles, la guerre civile[1]. Dans les calmes régions qu’il habitait, l’empereur Maximilien ne put lui-même se défendre d’un certain trouble. Et averti par lui[2], Léon X enfin commença à s’émouvoir ; il vit bien que de tels débats n’étaient point, comme il l’avait cru d’abord, simples disputes de moines.

Et en effet, Luther touchait au moment de pouvoir dire avec plus de raison que ne le disait jadis Attila : « L’étoile tombe, la terre tremble, je suis le marteau de l’univers. »

Que dire encore ? Bientôt Rome en vint à implorer le moine rebelle. Miltitz le vit à Altenbourg, dans la maison de Spalatin ; il essaya sur lui le pouvoir des flatteries[3], il l’accabla de protestations d’amitié, il supplia, il pleura[4].

Plus tard, revenant à ce souvenir, quand déjà brûlaient du feu par lui allumé son pays et l’Europe, Luther s’est écrié : « Si la conduite de Miltitz avait été celle de l’archevêque de Mayence, lorsque je l’avertis, puis du pape, avant ma condamnation par ses bulles, l’affaire n’aurait point abouti à un si grand tumulte… Maintenant on demande en vain conseil, on s’ingénie en vain. Dieu s’est éveillé, et il est là debout pour juger les peuples[5]. » Rien ne montre mieux combien Luther était peu lui-même dans le secret de son œuvre. Non :

  1. Pallavicini, Hist. conc Trid., pars I, lib. I, cap. VI.
  2. Sleidan. Hist. de la Réform., t. I, p. 11.
  3. « Ecce ubi unurn pro papa stare inveni, tres pro te contra papam stabant. » Omn. oper. Lutheri, t. l, prœfatio.
  4. Pallavicini, Hist. conc. Trid., pars I, p. 19.
  5. Lutheri prœfatio.