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munications s’étaient trouvées l’objet d’une risée, immense, universelle. On put raconter sans mensonge que tel jour, en tel lieu, des étudiants, conduits par des docteurs, avaient fait des feux de joie avec le papier des bulles. Les pénitents désertaient le confessionnal. Les routes de l’Allemagne se couvraient de nonnes échappées. De simples laïques se mirent à dogmatiser, à prêcher. Saints de pierre ou de marbre roulèrent en maint endroit, sur les dalles du temple, insultés et mutilés par une foule qu’indignait l’idolâtrie papiste. De toutes parts, les nobles montèrent à cheval. Il se fit en Europe un grand bruit d’armes que des clameurs révolutionnaires dominaient. Rome trembla.

Et ce ne pouvait être là évidemment qu’un des aspects de la révolte. Apprendre aux peuples à discuter le pape, c’était les pousser irrésistiblement à discuter les rois. L’Église, d’ailleurs, avait depuis longtemps enveloppé l’État dans sa destinée. Rome se trouvait au fond de tout : en la frappant, on frappait le système général du monde à l’endroit du cœur.

Comment la chose se fit, c’est ce qu’on ne saurait rappeler avec trop d’admiration, tant la main de Dieu est ici marquée dans les moindres circonstances !

En 1511, un moine ignoré, qui s’appelait alors frère Augustin et qui était Luther, fut aperçu montant à genoux l’escalier de Pilate, à Rome[1]. C’était pour obtenir du pape quelque indulgence. Tout à coup ce moine crut entendre une voix céleste : « Le juste vivra par la foi. » Il se leva aussitôt comme averti par Dieu, et il s’en revint, plein de trouble, l’esprit en proie à des inquiétudes confuses, et pouvant déjà dire : « Je ne sais d’où me viennent ces pensées. » Elles lui venaient de son siècle. Et voilà pourquoi leur première, leur mystique formule allait se changer en un signal de révolte qui, répété de ville en ville, mit le feu à l’Europe. Et, combien est plus frappant le résultat, quand on songe que Luther, audacieux par élans, avait un na-

  1. Seckendorf, Comment. de Luthéranisme, p. 56.