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« tout. » D’un autre côté, M. le comte Bastard, dans le rapport dont on l’avait chargé, représentait Alibaud comme ayant été chassé, pour inconduite, par le marchand qui l’employait : imputation dont la fausseté fut reconnue, et qui transformait en un malheur mérité un sacrifice honorable commandé par la conscience !

Sous le coup de ces accusations, qui ne semblaient témoigner que du désir de déshonorer sa vie entière, Alibaud accepta la lutte judiciaire qu’il avait d’abord voulu éviter. Il fait choix d’un avocat, et rassemble ses souvenirs dans un récit destiné à servir de base à la défense. Rien n’était donné, dans ce récit, ni à l’ostentation, ni à la haine. Et même, l’accusé y passait sous silence plusieurs traits de dévoûment dont il aurait pu se faire honneur, et qu’on eût toujours ignorés si les débats, qui étaient au moment de s’ouvrir, ne les eussent mis en lumière.

La première audience eut lieu le 8 juillet (1836). Alibaud parut devant ses juges dans une attitude également exempte de faiblesse et d’arrogance. Un léger nuage de tristesse était répandu sur son front, et pourtant il était aisé de voir que l’accusé gardait intacte la foi violente et inexorable qui l’avait rendu meurtrier. Le président lui ayant demandé depuis combien de temps il nourrissait son projet funeste, il répondit : « Depuis que le roi a mis Paris en état de siège, qu’il a voulu gouverner au lieu de régner ; depuis qu’il a fait massacrer les citoyens dans les rues de Lyon et au cloître Saint-Méry. Son règne est un règne de sang, un règne infâme. J’ai voulu tuer le roi. » Tel était le sombre