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qui, si elle se prolongeait, dénaturerait à la fois et la politique, et le caractère, et les mœurs même d’un peuple renommé par sa droiture, par sa sagesse, par le sentiment de sa vraie dignité.

Une note fut remise au soussigné, le 29 août, en réponse à ses communications. Elle annonçait les dispositions adoptées par la Diète elles étaient en parties conformes aux mesures de précaution que le soussigné avait cru devoir conseiller ; et, bien qu’elles ne fussent pas aussi complètes, aussi énergiques que l’aurait désiré le gouvernement du roi, aucune objection grave ne s’éleva contre le conclusum du 23 août, qui contenait du moins une reconnaissance explicite du principe posé par la France.

Mais, à côté de ces dispositions, la note présentait une étrange réponse aux réflexions que le soussigné avait reçu l’ordre de communiquer au Directoire. Dans cette réponse, les conseils donnés par la France avec autant de désintéressement que de bienveillance, sont interprétés avec amertume, repoussés avec irritation ; ses intentions sont dénaturées, ses paroles perverties. Certes, la France devait voir dans cet acte une offense grave. Justement blessée, elle sacrifia au désir de prévenir des complications nouvelles tout ce que pouvait lui inspirer un légitime ressentiment ; elle imputa un langage qu’elle est fondée à déclarer sans exemple, non à la Suisse, mais à ce parti qui prétend la dominer. Le gouvernement du roi resta convaincu que, de ce jour, l’indépendance helvétique était prête à tomber sous le coup d’une tyrannie intérieure, et que c’en était fait des influences pacifiques et régulatrices auxquelles la Suisse avait dû jusque-là son bonheur et son repos. Une faction composée d’éléments divers a usurpé, soit dans l’opinion, soit au sein des pouvoirs publics, une prépondérance fatale à la liberté de la Suisse ; consacrée par le temps, garantie par les mœurs, cette liberté est le patrimoine incontesté, le paisible héritage d’une nation qui compromettrait sa renommée historique si jamais elle se laissait dominer par des conspirateurs insensés, qui n’ont encore réussi qu’à déshonorer la liberté.

Il était impossible de méconnaître l’empreinte de l’esprit d’anarchie dans quelques-uns des actes qui viennent d’être signalés, et surtout dans les publications qui les suivirent.

Mais un incident inouï est venu compliquer une situation déjà grave, et jeter un triste jour sur l’origine et la portée du changement déplorable qui semble s’accomplir dans la politique de la Suisse ; le complot dont le nommé Conseil a été l’artisan ou l’instrument, offrit une nouvelle preuve de l’incroyable perfidie des factions et de la mollesse non moins incroyable de quelques-uns des pouvoirs constituée. Un guet-à-pens a été concerté presque publiquement contre l’ambassade de France, et, chose plus étrange, il s’est trouvé des pouvoirs assez faibles ou assez dupes pour se rendre complices d’une manœuvre tramée par les ennemis de tout pouvoir.

Quelques réfugiés semblent s’être proposé d’amener la Confédération à rétracter les principes, à désavouer les mesures énoncées dans le conclusum du 23 août. Le succès a dépassé toutes leurs espérances ; un